Les premiers tours de roues. C’est de cette sainte étape dans la vie d’un deux-roueiste dont il est ainsi question, et quelle question !

Bien sûr, quelle question : c’est probablement à ce moment que certains enthousiastes tournent la poignée inlassablement, mais que le contact n’est pas mis, que d’autres, acrobates dans l’âme, effectuent un très aérien tour complet sur eux-mêmes dans la verticalité la plus totale, et que quelques-uns encore se prennent pour Rossi mais s’étonnent de rester cloués au sol, n’ayant pas même eu le farouche plaisir de faire mugir la pauvre machine, parce que, en fait, la poignée des gaz se tourne dans l’autre sens, et se trouve de l’autre côté. Il faut le savoir.

De mon côté et bien-heureux, j’avais déjà fait de la moto-cross, quand j’étais alors vieux d’environs une dizaine de printemps. Alors j’aime autant vous dire que l’an dernier quand j’allais chercher Giovanni, mon fidèle scooter, j’étais assez confiant : je savais que je pouvais compter sur un vague souvenir à deux-roues, et que je diminuais d’autant plus mes chances de démolir ET mon casque flambant neuf ET, plus accessoirement, le scooter qui n’était à l’époque pas encore le mien. Parce qu’effectivement, c’était chez le vendeur que j’eusse réalisé mes premiers tours de roues avec Giovanni. Alors que je n’avais, vous l’avez compris, pas tourné une poignée depuis des années. Découvrons ensemble l’histoire de mes premiers coups de frein et d’accélérateur, à dos de scooter…

Bonjour, c’est bien ici ? Oui, ah, merci, ok, blabla, blabla, bla… Mais trêve de blabla. Une fois passé dans son garage – c’est là que ça devient sérieux – le monsieur démarre au kick la bête qui se met aussitôt à vrombir joyeusement dans une sonorité vraiment pas déplaisante d’un pourtant, notons-le, riquiqui 4 temps dégonflé de partout pour rentrer dans ses bien maigres 50cm3 de cylindrée.

On n’a pas fini de sortir la vive bestiole qui ne tient pas en place qu’il est déjà temps d’arborer fièrement ce tout neuf casque jet, au style impayable de livreur de pizza, et, ah tiens zut, j’ai oublié mes gants. Mais ce n’était pas si grave puisque très gentiment le gars me prête ses propres gants de scootériste 125iste. Bienveillance paternelle ou bonne action bienvenue, toujours est-il que c’était ‘achement cool, un grand merci à lui. J’apprendrai après qu’il envisageait le permis gros cube, er6n en tête, on comprend peut-être mieux sa sympathie à l’égard d’un petit bleu que j’incarnais – et que je dois toujours incarner d’ailleurs, mille millions de mille milliards de mille sabords de tonnerre de Brest !). Enfin, il me montre le fonctionnement des commodos, me donne deux-trois conseils et je suis invité sans plus tarder à m’installer sur la large et confortable selle digne d’un, heu, ben d’un scoot quoi.

Pour commencer, je voyais le scooter plus petit qu’il ne l’est, ce qui pour mon gabarit n’était pas franchement une bonne nouvelle. Mais ça reste un petit scooter qui ne posera pas plus de soucis que ça concernant la hauteur de selle. Au pire un petit glissement de fesses pour être bien par terre fera amplement l’affaire. Immédiatement, une première question se pose quand on s’installe à bord d’un scooter : dites-moi, débéquiller (une béquille centrale) avant ou après s’être assis ? Je sais maintenant que l’un ou l’autre est faisable suivant ce qui est le plus pratique, mais le plus sécurisant reste de débéquiller sur le scooter. Un dernier conseil de la part du propriétaire marque le moment de partir ; et entre l’excitation de tourner enfin une poignée et l’appréhension de tomber comme un sac avec un véhicule qui ne m’appartient pas, il n’y a pas une minute à perdre donc pour se lancer ! Alors alors, absence d’embrayage à actionner, pas de vitesse à passer, on pourrait le regretter (disons qu’avoir affaire à ces mécanismes est planifié), allez, zou on tourne le cylindre caoutchouteux… On tourneee, on touuurneee rrrraaah AH, ça y est on décolle ! Oula d’emblée, l’équilibre me déroute : c’est un vélo c’est un vélo qu’y disent sur les forums et dans les tests journalistiques, je veux bien mais le bestiau pèse tout de même près du quintal, et par rapport à ma bicyclette de lycéen je prends conscience que ça représente une différence de taille – ou de poids plus exactement.

Heureusement, quelques mètres suffisent ensuite à retrouver une stabilité correcte, et à réaliser en même temps qu’au final ce petit scooter accélère bien plus que je pouvais le soupçonner. J’étais influencé par beaucoup d’avis recueillis en amont, selon lesquels les 4 temps 50cm3 sont de véritables escargots (bon, z’on pas complètement tort non plus). Pendant ce petit road-test jouissif, je dois vous dire que j’ai même eu peine à arriver à la vitesse maximale (fulgurante) de 45km/h dans ce petit quartier résidentiel désert, pourquoi ? Parce que la sensation de vitesse est bien différente de celle d’une voiture : elle est immensément décuplée ! Je ne m’en souvenais pas quand je faisais de la moto-cross, et vers 40km/h j’ai eu la frousse de me mettre joyeusement au tas si j’allais plus vite. Hé oui, le vent qui passe sur et sous le casque, s’engouffre dans les narines, entre les bras et les jambes, se plaque contre le torse, s’infiltre entre les doigts, dans la veste, et glisse sur le pantalon, ce sont autant de sensations (re)découvertes à ce moment-là, qui éveillent les sens et nous rend certainement plus alerte sur l’environnement : autrement dit, on ressent mieux ce qui nous entoure, parce qu’on s’y sent plus intégré.

C’est alors à ce moment approchant dangereusement la vitesse de pointe épique de Giovanni que les freins se montrent efficaces, tout en ne surprenant vraiment, mais vraiment pas le débutant : la linéarité est clairement de mise et le frêle tambour arrière se révèle spongieux à en revendre (Piaggio ti amo, Piaggio ti freine pas – telle doit être sa devise –). En tout cas si ça peut vous rassurer, ça freine mieux que mon VTT. Ah ah. J’aimerais en parlant de freinage dire un mot, qui ne vous apprendra probablement rien, sur les commandes de frein d’un scooter : elles sont inversées par rapport à celles d’un vélo. Heureusement je n’ai encore jamais été victime d’une confusion maladroite de la part de ma petite cervelle, ce aussi bien au quotidien qu’en situations mettant à l’épreuve nos réflexes les plus instinctifs. Le passage de Giovanni à une bicyclette et vice-versa n’est d’ailleurs pas spécialement problématique. Cela ne m’empêche pas d’imaginer que je me sentirais bien stupide le jour où je serai sur ma moto et que je tirerai l’embrayage pour freiner de l’arrière, façon old school du temps où j’arpentais fièrement les ruelles et chemins de Normandie tel un cowboy à dos de, regretté, Giovanni.

Bon, ce scooter semble tourner rond, filer droit et s’arrêter à temps, le vendeur en plus me laisse une semaine pour changer d’avis, je décide donc de repartir avec ! C’est aussitôt une terrible joie qui s’immisce partout en vous, témoignant de cette concrétisation géniale qui se produit, je suis convaincu que vous vous doutez bien de quoi je veux parler, la larme à l’œil en vous rappelant de l’achat de votre première bécane, ou mourant d’envie de (re)mettre ça !

Ainsi sur le trajet du retour chez son nouveau chez-lui, j’emmenais Giovanni. Moi sérieusement gaga et tout sourire, lui… M’enfin voyons, vous allez quand même pas croire qu’un scoot parle ? J’vous jure.

J’expérimentais pour la première fois la conduite en milieu urbain, en compagnie de ces nombreux cassos d’automobilistes dégénérés et autres timbrés fous du volant. J’exagère je le reconnais, tous ne sont heureusement pas siphonnés à ce point quand ils sont enfermés dans leur mini-salon personnel ; mais j’ai par exemple appris à insister le passage tranquille devant ces chauffeurs qui prennent beaucoup trop de risques pour finalement se retrouver côte à côte au feu d’après. Et je dois dire que j’y prends un malin plaisir, même si en vérité c’est avec tristesse et désolation.

Mais veuillez m’excusez ! C’est déjà d’un niveau au-dessus dont on parle ici, l’art de l’interfile étant encore loin à ce moment.

Donc il faudrait qu’on discute de ces premiers changements de direction, de ces premiers feux, de l’épreuve du juste posage de pied, et de ces ronds-points fâcheusement colportés d’une réputation légendaire pour ce qui est du gentillet cassage de trombine et de récolte de rayures crève-cœur en tous genres.

Et si c’était pour la prochaine fois ?

Heureux de vous retrouver.

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