“- Ecoute Rémi, j’ai bien réfléchi, je ne vais rouler plus qu’avec l’enduro en off-road. Je continue à faire du trail avec toi hein, mais en enduro.  

– Putain, tu vieillis mec.”

Quand est-ce que ça m’a pris ? Difficile à dire. Ne jamais rouler sur la même trace, promener en toute simplicité, profiter du paysage, tout ça c’est dans mon ADN. Le trail c’est ma discipline de cœur. Toutes les participations au Moto Tour du monde ne me foutront jamais autant le frisson que de dénicher dans la solitude d’un matin brumeux un petit chemin oublié sentant bon la terre grasse et les feuilles mortes.

Et pourtant, je sais déjà que je vais me heurter à l’incompréhension de beaucoup de (néo-)traileux lorsqu’ils vont me voir dans les pistes au guidon d’un enduro plutôt qu’avec mon XTZ. Enfin, je me suis déjà tellement fait accuser de “tricher” en roulant avec un 660 plutôt qu’avec un maxi-trail que tout cela ne m’atteint plus trop. Certains ont besoin de se rassurer de leur incompétence au guidon comme ils peuvent, ce n’est pas grave… Le trail c’est un état d’esprit, pas une question de machine. La Rando TT Pirate 2018 et sa Cour des Miracles des bécanes l’a une fois de plus prouvée.   

Des 1100 GS aux 250 2t, difficile de faire plus éclectique…

Mais alors quand est-ce que ça m’a pris cette histoire ? Après cette chute à la Vercingétorix ? Non, c’était juste après, ou juste avant. En fait, je crois que trois événements précis m’ont conduit à cette décision. Flash-back.

Il y a d’abord eu cette fameuse chute sur la Vercingétorix en juin. En local de l’étape, j’étais venu faire mon beau au milieu des “parigots”. Bien entendu, je me suis mis une boîte. Mais attention hein, une belle, bien spectaculaire. Z’ont pas été déçu les types, ils ont vu le Cigalou au sommet de son art. Une ornière cachée dans l’herbe haute et une (très) grosse glissade plus tard, je me relève indemne grâce à mon équipement de crossman. Indemne mais mort de rire. Par contre, mon XTZ fait la tronche lui : Crash-bar coupé en deux, pare-bain tordu, réservoir poké et sélecteur de vitesse enroulé autour du cale-pied. Allez hop, à coup de bottes je remets à peu près tout d’aplomb et vogue la galère.       

Et on repart ni vu ni connu, juste un petit peu de dignité en moins…

Quelques jours plus tard je me retrouve soudainement avec un 400 KTM dans le garage. Cadeau complètement dément et inattendu de ma famille et de mes amis qui m’ont fait une magnifique surprise pour mes 30 ans. Putain un enduro quoi ! En plus, c’est ma première moto qui n’est pas à moitié une épave : des vraies suspates, des vrais freins. Un rêve éveillé ! Je vois mon potentiel de stupidité dans les chemins augmenter soudainement de 1 000 %. Et en même temps je suis tétanisé. Cette moto est beaucoup trop belle et émotionnellement beaucoup trop forte pour moi. Elle représente tellement de choses, elle m’intimide. Pour la première fois, j’ai peur de casser une de mes machines.

Oh putain ! Oh putain ! Oh putain !

Et c’est surement à cause de ce sentiment un peu inexplicable que je pars contre toute logique en recos avec… le 660 XTZ. Bien entendu, je n’avais pas eu le temps de le retaper depuis la Vercingétorix, bah, ça ira bien pour une petite virée. Dans ma roue, Alexandre Conan et son 800 GS. Au programme, un GR entre Lachamp-Raphaël et Antraigues à explorer. Sur le papier, rien d’exceptionnel, une simple liaison. Sur le terrain, l’enfer. Nous mettons une journée pour faire 10 km. Coincés dès le début de la trace par un mur impossible à remonter, nous avons littéralement dû porter nos bécanes jusqu’au fond de la vallée. Et tudieu, que c’est lourd un trail ! C’est à ce jour la pire journée de recos de ma vie. Sur le chemin du retour, ma boîte à vitesse commence à faire des siennes : la seconde ne passe plus, les autres oui pourtant, mais pas la seconde. Là, ça pue, il va falloir ouvrir le bas moteur.

Allez, on re-re-re-re-re-re-re-démonte tout !

Encore collant de sueur et de poussière, allongé par terre dans le garage au milieu de mes machines, je me suis mis à cogiter.

Premier constat, ce jour là, j’ai eu une chance énorme et cette chance s’appelait Alexandre. Jusqu’à présent, rouler seul ne m’avait jamais inquiété, persuadé que mes maigres bases en trial me sortiraient de tous les faux pas. Mais pas cette fois. En enduro, faire demi-tour et remonter le mur aurait été l’affaire de quelques secondes et d’un petit coup de gaz. Là, on a perdu notre journée de bécane à s’en sortir. Alors, ça nous fait un sacré souvenir et ça crée des liens forts, certes. Sauf que me dégager une journée pour rouler maintenant que je suis un daron responsable c’est devenu toute une logistique et la passer à jardiner, à pied en plus, ça fout un peu les glandes…   

Deuxième constat : mon petit coin d’Ardèche n’est pas du tout, mais pas du tout adapté au trail. Rien à voir avec le doux relief du plateau où se déroule la Pirate. Ici, le terrain est rude, les pistes tortueuses, les dénivelés très violents et le sol est essentiellement composé de pierres cassantes. Ce n’est pas pour rien si Privas accueille chaque année le championnat de France d’enduro… Les chemins accessibles en trail sont rares et on est jamais à l’abri d’un infranchissable piège technique « surprise ». C’est beaucoup trop frustrant d’être limité par sa machine ! Je dois donc m’adapter à mon territoire.    

Bon, c’est super dur, mais c’est super beau

Troisième constat : Il faut que j’arrête de détruire inutilement mon XTZ alors que j’ai un 400 KTM ne demandant qu’à faire du technique, garée là, juste à côté. Mon Ténéré, je le conduis les yeux fermés tellement on en a fait ensembles. Mais je commence à m’en vouloir de le massacrer comme ça. Je vais le mettre à la retraite des chemins tiens. Le vendre ? Boaf, il me coûte que dalle en assurance. Le problème, c’est son double emploi avec la katoche. Et pourquoi pas le déguiser en moto de hipster pour faire le zouave sur les petites routes ardéchoises ? J’ai bien dit le “déguiser” pas le “préparer”, le détail à son importance, on en reparlera…    

Work in progress…

Alors c’est décidé. Je vais continuer à faire du trail off-road mais… avec un enduro. C’est de la triche ? Chuis pas un vrai “traileux” ? J’assume. Ce n’est pas pour instagram que je roule, c’est pour moi. Je fais donc le choix de rouler pépère (et souvent parfois pas d’ailleurs) avec le confort et la sécurité d’une partie cycle d’enduro, et ce d’autant plus que je roule beaucoup seul. Le jour où j’aurai 4 ronds j’y monterai un gros réservoir et un carénage haut histoire de me faire plaisir avec un look rallye-raid. Mais, ça, c’est juste du cosmétique.

C’est un peu la découverte d’une nouvelle planète l’enduro…

Comment ? Ce n’est pas pratique pour les liaisons routière un enduro ? C’est tout a fait vrai. C’est LE point faible de ce type de moto. Ça et la vidange toutes les 16h... La question se serait posée si je ne vivais pas au cœur du plus grand terrain de jeu off-road de France. Demain je peux monter jusqu’à Clermont rien que par les pistes si je le souhaite. Sauf qu’avec un bébé à la maison, c’est de toute façon devenu compliqué de se barrer au long cours. C’est pas une question de logistique, on peut toujours s’organiser, mais c’est une question d’envie. Une journée sans voir cette petite bouille d’amour c’est déjà trop dur, alors autant s’amuser sur place avec un joujou extra et tout orange.

T’as raison Rémi, je dois vieillir.

… ou pas ! 😉

15 Commentaires

  1. Bah on fait presque de l enduro sur les passages techniques à la TT avec des trails, donc l inverse est possible. Oui car le Trail c est quoi? À mon sens, du chemin en mode balade, avec un chouïa de compétition avec soi-même, parfois.

  2. Un trail c’est polyvalent car:
    ça peu faire de la route ET de la piste (l’autoroute et du single aussi, mais c’est plus sport…)

    Un enduro, c’est polyvalent aussi car:
    ça peu faire de la piste ET du single ET du technique ET de la glace ET du flat track ET du supermotard ET du cross (une liaison route et du trial aussi, mais c’est plus sport…)

    En fait, tout est une question de curseur…
    N’empêche qu’en tout terrain plus t’es léger….

    Pis n’est pas peur, un enduro c’est autrement plus solide qu’un trail !

    Bref, tu viens rouler sur glace cette hiver ?

    L’enduro, c’est top, faut juste une remorque ou un cametard

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