Cette petite virée n’a rien d’extraordinaire. J’en ai fait plusieurs. De plus courtes, de plus longues, de plus loin, de plus froides et de plus chaudes. Nous sommes des centaines, des milliers même, sûrement, à en faire de comparables. Comparables sur le plan de la logistique (nulle) et du budget (dérisoire). Je ne parle même pas des pointures, des Lolo Cochet, des Mélusine Mallender ou des Kinga Tanajewska. Je parle des modestes, des anonymes comme nous autres. Je trouve incroyable et dommage qu’avec notre très petit niveau, on puisse faire rêver.

Explications.

En discutant avec les copains, comme ça, on s’est plusieurs fois rendu compte d’une chose : la réaction de la plupart des gens à qui nous avons raconté nos week-ends ou nos vacances à moto a très souvent été sinon disproportionnée, du moins en décalage avec le ressenti que nous en avions. En effet, le simple récit d’une hivernale, même gentillette, sans un seul flocon, peut faire surgir chez ton interlocuteur des râles rauques d’étonnement et de stupeur. On te traite de taré, on te demande depuis quand tu es maso, on fait toute une série de petits prouts en chapelet rien qu’en y pensant. Parler d’un trip d’une semaine à certains motards, même aguerris (dans le sens ou ce ne sont plus des lapins de six semaines depuis belle lurette), peut déclencher chez eux des réactions proches de l’envie ou de l’admiration. On s’étonne que ce soit possible, on te demande comment tu fais pour te laver, on est stupéfait que ce soit autorisé de planter sa tente ailleurs que dans un camping. Moi, ça, ça m’afflige.

J’admire les pointures citées précédemment pour une raison bien précise. C’est simplement parce que je me dis que même si j’avais la meule, la logistique, le temps, le budget et l’équipement pour faire ce qu’ils font, je serais probablement pas aussi fier qu’eux en arrivant au bout. Si toutefois j’y arrive… 

Je les envie, aussi. Pas méchamment, pas l’envie jalouse qui te bouffe le foie, non. Je les envie parce qu’ils font ce que j’aime faire, mais qu’en plus ils le font en mieux, d’avantage, en plus grand.

C’est là que je trouve triste et dommage d’être envié ou admiré par d’autres motards quand on discute moto et que je leur raconte mes escapades.

C’est triste et dommage parce que ce que je fais, ce que nous faisons nous, les modestes, les anonymes, n’a rien d’inenvisageable, rien d’insurmontable. On se fait plaisir pour pas très cher, on n’a pas besoin d’une préparation de dingue, de passeports, de vaccins, de visas. On a la chance d’habiter l’un des plus beaux pays du monde où, sauf pas de bol, on ne risque pas de se prendre un obus sur le coin de la courge à chaque coin de rue et où, sauf pas de bol, on a le droit de circuler librement. Rends-toi compte, si t’en as envie, tu peux passer de mer à montagne, d’océan à campagne en une poignée d’heures et avec des milliers de choses magnifiques à voir en prime. Tu peux adapter ton parcours à ton niveau, à tes envies, à ton budget. Tu peux être ton propre spectateur, en somme. 

Tu vas me dire que t’as pas le temps, que t’es fauché, que t’oses pas ou que tu sais pas où aller. Je le comprends et je te crois sans problème. On a tous connu ça. La paternité, la maladie, le boulot, la vie en général ne nous aide pas toujours. Mais la roue, elle, finit toujours par tourner. Et crois moi, quand y en a deux, c’est double banco. Bien sûr, on aimerait plus, on aimerait mieux. Mais on s’adapte à nos possibilités. Je ne vois aucune différence entre Quentin ou Rémi qui font grimper leur moto aux arbres, Anto qui change un pneu au Pérou, Mathieu qui confond rallye et interpellation et moi qui aime garer ma brêle devant une ruine pour admirer le tableau comme un abruti pendant 3 heures.

J’ai eu la chance de pouvoir discuter un peu avec Laurent Cochet mi-octobre. A un moment, je lui ai dit qu’il avait atteint un niveau qui laissait rêveur pas mal de monde. Il m’a coupé net et, en souriant et en insistant bien il m’a répondu « Mais non ! Y a pas de niveau ! ». C’est là que j’ai compris ça. J’ai réalisé qu’il suffisait de se contenter de ce qu’on pouvait faire, que peu importaient la durée, la distance, le « marketing » du truc. Même si tu pars deux jours et qu’il ne t’arrive rien d’extraordinaire, ça te fera quand même un super souvenir. C’est ça, l’essence même de l’amour de la moto.

Même si il t’arrive rien, t’as quand même vécu un truc.
Pouce en l’air pour Lolo !

C’est pour cette raison que j’ai du mal à comprendre ceux qui hésitent encore à se lancer. En quelque sorte, ils se privent eux-mêmes de choses qui leur font envie. Ils se sous-estiment plus qu’ils ne me surestiment. Ils savent ce qu’ils loupent et ne font rien pour aller le chercher. Ils ont peur, se font des idées, se cherchent des excuses et en trouvent. C’est nul, c’est triste, ça m’énerve.

J’ai trouvé effarant que, début octobre, on ne croise déjà plus aucun motard en baroude. On a dû en apercevoir une demie-douzaine à tout casser sur les 2500 kilomètres parcourus. Et encore ! Même pas des vadrouilleurs. Des promeneurs, quoi. 

Vous étiez où ?

Alors, en toute amitié, en toute simplicité, je vous le dis. Si ton truc c’est de rouler l’été, pas trop loin, et de ranger ta brêle les 10 mois de l’année restants soit, c’est ton choix. Mais si tu aimes vraiment rouler, que t’as envie de voir du pays, de changer d’air, de te sortir du gris quotidien, ben tu sais ce qu’il te reste à faire. N’hésite pas. Une journée de off-road, un week-end dans le département voisin, une semaine à l’étranger, tout ça c’est la même tisane. Tu rentreras un peu moins riche, mais jamais plus pauvre.

Régis vit en Haute-Savoie. Unique héritier d'une longue lignée de non-motards, fasciné depuis sa plus tendre enfance par tout ce qui a un moteur entre deux roues pour des raisons toujours obscures. Curieux de nature, autodidacte dans bien des domaines, condamné à mort par contumace dans plusieurs pays d'Amérique latine, il a fini par découvrir que son amour de la moto était non seulement aussi fort que celui qu'il a pour l'écriture, mais qu'en plus l'un nourrit l'autre.
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11 Commentaires

  1. Joli coup de plume l’ami,
    Je viens de découvrir la Rando off-road
    Récemment a cause…ah ben nan..grâce au confinement à force de mater les vidéos de VDM et autres et je suis bien d’accord sur le fait qu’il faut pas hésiter à se lancer.
    J’ai acheté un vieux DR, 2,3 sorties dans
    Les chemins pour voir un peu puis hop
    Inscrit sur une Rando où je connaissais personne et où j’ai fait de belles rencontres.
    Alors ok, la Paris Dunkerque c’est pas la Mongolie mais on s’en tape !
    A mon retour de week-end j’étais fier comme si j’avais gravi l’Everest !!
    Et d’accord aussi avec notre Lolo national : il y a pas de petites ou de grandes aventures, celles qui comptent
    Ce sont celles que l’on se crée.

  2. Je me permets de te tutoyer alors tu as parfaitement raison, souvent je suis en admiration, par contre à chaque fois que je monte sur ma moto, c’est du pur plaisir, même pour aller et revenir du boulot (toute l’année en moto d’ailleurs) l’autre jour, en plein confinement, j’ai pris ma moto pour me rendre chez mon mécano pour changer les pneus et bien ce fut un moment de pur plaisir…Cet automne notre road trip vacances avec mon épouse dans la région du Mercantour en moto bien sûr le pied géant…
    Donc merci à toi pour cette mise au point et GAZ….

  3. Tout à fait d’accord avec toi, pas besoin de motos récentes, bon même si je suis mécanicien de métier, un bon forum dédié à la moto du moment, un peu de lecture sur les tutos, et hop t’est près à aller n’importe où. Étant un ancien, un peu réfractaire aux nouvelles technologies, mais je sais aussi prendre les bons côtés de ce que cela apporte. En road trip , tout est faisable, en TT ça l’est moins.
    l’aventure peut commencer en bas de chez toi. Une mob, une destination et te voilà partis.

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