Avec ma femme, on a des points communs. Ne riez pas ! C’est pas toujours le cas. En tout cas perso, je connais plein de couples tellement incohérents que parfois j’en viens à me demander si c’est pas des acteurs, comme dans The Trumann Show, payés pour m’espionner dans ma vie de naze sans intérêt. Ma femme, pareil. Enfin je veux dire… Non seulement elle aussi est naze et sans intérêt, mais qu’elle pense pareil, à savoir que certains couples sont des mystères tellement ils sont opposés en tout et que de fait, ils sont suspects.

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Etape 1

Nous, non. On est probablement suspects pour plein de monde et à bien des sujets, mais pas sur celui de la compatibilité. Parmi nos points communs il y a donc la paranoïa, mais pas que. Il y a aussi la taxidermie, le culte de Jack l’éventreur, la collection de livres à colorier expliquant le sado-masochisme aux enfants, les plaques d’égout et le plâtre sous toutes ses formes de l’antiquité à nos jours. Mais enfin et surtout, il y a les voyages à moto.

Ce qu’il y a de bien c’est qu’avant de nous lancer dans les voyages en duo, on a fait notre chemin chacun de notre côté. Pour ma part beaucoup de weekends et de « ponts » passés par monts et par vaux, pour la sienne de nombreuses virées et un tour de France en solitaire. Autant dire que je ne partais pas avec une jouvencelle, déjà. Je n’avais rien à lui apprendre.

A cette époque là elle vivait en Alsace et moi en Haute-Savoie. Géographiquement parlant, nous avions tous les deux une situation centrale très intéressante. Aux portes de l’Europe à l’est et à mi chemin du Nord et du sud. On avait une semaine devant nous, on voulait voir la mer, c’était le mois d’Août… Que faire de mieux que de tracer droit sur Dunkerque ?

Rendez-vous était pris. Je l’ai rejoint chez elle le dimanche soir, elle a préparé des œufs au plat, lavé mes chaussettes, on s’est cuité la gueule au Porto et nous avons pris la route sous un ciel radieux le mardi matin.

La feuille de route était la suivante : rejoindre la Belgique et continuer plein nord jusqu’à ce que nous rencontrions une étendue verdâtre, glacée et humide avec des relents de moule et de mazout plus connue sous le nom de mer du Nord. Sur le papier, c’était vendeur. Un truc à emballer Paris Hilton droit dans ta musette rien qu’en le lui proposant. Mais en vrai, ce fut encore pire. Bref, chaque chose en son temps.

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Nous avons quitté l’Alsace par les petites routes, traversant les petits villages typiques, longeant champs, houblonnières et autres curiosités sous un ciel bien plus clément que la veille. Le plus génial, c’est que ces petites routes communiquent entre elles et que quand on les suit assez longtemps, on se retrouve super loin de là où on est parti. Étant passionné de paranoïa, je ne peux que penser que c’est fait exprès. Encore un coup de la C.I.A ou des Illuminati, ça. Ou peut-être même des extraterrestres. Ou pire, des extraterrestre illuminati qui bossent à la C.I.A.

Quoi qu’il en soit, ces petites routes avaient fini par nous amener tranquillement au cœur des Ardennes (que j’affectionne particulièrement, vous savez maintenant pourquoi). En fin d’après-midi, une halte à Sedan marquait la fin de la première étape de notre périple vers le plat pays. La seconde était de traverser la frontière pour rejoindre à quelques kilomètres à peine Bouillon, dont le château du Xème siècle domine la ville du haut de son promontoire rocheux.

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Même de l’autre côté de la frontière, les Ardennes restent les Ardennes. Belges, certes, mais tout aussi vertes et boisées que les Françaises. Détail d’importance capitale pour ceux dans notre genre, à savoir les voyageurs à deux ronds qui se trimballent une tente, un réchaud, un slip et trois chaussettes en tout et pour tout.

Ce qui nous plaît dans ce concept de bivouac sauvage? C’est très simple. Ce n’est pas pour nous donner un genre ni par avarice ou snobisme à la con d’anti-consumérisme forcené, non. Bon certes, le peu de pognon qu’on a réussi à mettre à gauche, on aime le claquer surtout dans l’essence et les pneus, tant qu’à faire. Mais ce qui nous motive surtout, c’est la liberté totale à laquelle tu accèdes en choisissant cette option.

Certes, t’es pas assuré de te coucher au chaud et au sec le soir. Certes, il peut t’arriver d’enfiler des bottes trempées le matin parce que  t’as oublié de les mettre à l’abri la veille au soir. Certes, tu peux passer des nuits blanches quand, lors de tes toutes premières fois, tu réalises que la nuit, en forêt, tout le monde ne dort pas, que ça grogne, ça gratte, ça gueule tout autour de ta pauvre petite tente qui fuit et qui ne te sera pas d’un grand secours en cas de charge de sanglier. Tout ça, c’est vrai.

Mais surtout, tu n’imagines pas à quel point c’est bon de te foutre comme de l’an 40 de l’heure qu’il est parce que t’es attendu nulle part, que t’as ni horaire à tenir, ni adresse à trouver. Tu ne flippes pas de savoir si ta meule est à l’abri dans le garage souterrain ou la ruelle derrière l’hôtel puisque tu dors à côté d’elle. Tu peux passer la soirée entière autour d’un petit feu de camp à faire griller des saucisses, te coucher quand tu ne tiens plus et, le matin venu, baisser la fermeture éclair de ta tente pour découvrir un lever de soleil somptueux avec ta brêle en premier plan, te recoucher et admirer le tableau à travers tes orteils élégamment disposés en éventail.

Nous, c’est ce qu’on aime. Bien plus que les économies réalisées, c’est ce gain de bonheur net et TTC qui en découle que nous recherchons. Quitte à renoncer à une certaine sécurité.

Bref, on en était où ?Ah oui, Bouillon. On n’a eu qu’à contourner le château en suivant la Semois qui coule à ses pieds, emprunter la petite route de l’abbaye qui descend en pente douce vers la forêt et nous établir dans une clairière que nous jugeâmes assez accueillante.

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Les meules mises à l’abri à la lisière de la forêt, le plus pénible a été de les décharger et d’amener toutes nos petites affaires dans la clairière située de l’autre côté de la route sans se scalper en passant sous les barbelés posés, j’imagine, pour empêcher l’herbe de s’échapper.

Quelques branches, deux ou trois allumes-feu et c’était parti. Notre première nuit sur la route des vacances se déroula dans le crépitement du feu de camp, la tête sur un sac de voyage, sans même sortir les sacs de couchage ni planter la tente. Le nez dans les étoiles, comme disait Brel à propos d’Amsterdam.

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Nous l’ignorions encore, mais le jour suivant serait celui de la bravoure récompensée.

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Régis vit en Haute-Savoie. Unique héritier d'une longue lignée de non-motards, fasciné depuis sa plus tendre enfance par tout ce qui a un moteur entre deux roues pour des raisons toujours obscures. Curieux de nature, autodidacte dans bien des domaines, condamné à mort par contumace dans plusieurs pays d'Amérique latine, il a fini par découvrir que son amour de la moto était non seulement aussi fort que celui qu'il a pour l'écriture, mais qu'en plus l'un nourrit l'autre.
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4 Commentaires

  1. « Parmi nos points communs il y a donc la paranoïa, mais pas que. Il y a aussi la taxidermie, le culte de Jack l’éventreur, la collection de livres à colorier expliquant le sado-masochisme aux enfants, les plaques d’égout et le plâtre sous toutes ses formes de l’antiquité à nos jours. Mais enfin et surtout, il y a les voyages à moto. »

    La famille Adam’s quoi !

    Merci pour ces textes.

    Il n’y a plus que des histoires à épisodes sur ce blogzime. Cigalou fidélise sa clientèle.

    Philippe

    • Merci Phil.

      Mais n’écoute pas Cigalou qui nous accuse d’être incapable d’écrire des trucs de moins de 30 pages. La preuve ? Tiens, regarde :

      « L’autre fois je suis allé à la mer à moto. C’était chouette.
      Fin »

      Tu vois, c’est archi-faux. On est capables ! 😀

  2. Ca m’a l’air bien parti cette histoire 🙂

    J’ai habité trois ans en Belgique, les Ardennes sont définitivement la partie que j’ai préféré. A part quand il pleut ! ! (souvent :))

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