Il y a quelques jours, Gotlib est passé du stade de « il est » à « il était ». Alors, tu vas me dire, Fidel Castro et François Hollande aussi et alors ?  On parle moto ici tudieu ! Oui… mais. Contrairement aux deux derniers évoqués, Gotlib a eu une influence aussi inconsciente que capitale sur Vie de Motard. Et pourtant, je le soupçonne – pour n’en avoir jamais croisé dans ses cases – de savoir tout dessiner sauf… les motos. Un petit hommage envers un des inspirateurs de notre petit webzine me tenait donc à cœur.

Connu des lecteurs de Pilote (qui commencent à avoir plus des cheveux blancs, voire pas de cheveux du tout que des têtes blondes) pour son célèbre Neewton, Gotlib a vu le jour artistiquement parlant dans une seconde génération de la bande-dessinée. Au sommet du neuvième art se trouvaient alors les monstres sacrés Goscinny et Charlier (que même les profanes doivent connaître : Astérix, Blueberry, Iznogoud, etc). Le jeune Gotlib avait une imagination débordante, beaucoup trop folle pour les sages pages de Pilote : humour quinzième degré, auto-fiction narcissique, tendance à exhiber des pénis et des paires de miches à tout va. Ce petit coquin s’affirme comme le gai-luron d’une bédésphère vieillissante. Gai-luron, qui – sous les traits faméliques d’un chien dépressif – va devenir un de ses personnages les plus célèbres d’ailleurs. Le « pape » Goscinny avec cette finesse qui lui est propre – sentant le vent de liberté qu’apportait ce p’tit jeune – va alors prendre sous son aile le trublion et lui offrir de belles pages dans son magazine : les Dingos-Dossiers, la fameuse rubriques-à-brac, Superdupont, l’inspecteur Charolles, etc.

Sauf que… ce n’est pas assez. Trop de contraintes, trop d’auto-censure et certainement un besoin plus freudien de « tuer le maître ». Gotlib va ainsi petit à petit se détacher de Pilote pour créer son propre magazine : Fluide Glacial. Entouré de jeunes dessinateurs exubérants et provocateurs, il vont alors franchir tous les interdits, brouiller toutes les lignes, laisser s’exprimer une créativité sans bornes. Fluide Glacial va devenir une sorte de laboratoire de la BD underground à la française. Omniprésent de la première à la dernière page dans les premiers numéros (un blog quoi, mouarf), Gotlib va peu à peu céder la place à ses copains dessinateurs pour s’infliger l’ingrat rôle de rédac-chef. Financé uniquement par ses ventes (et celle des BD de ses auteurs), ce magazine – aujourd’hui encore – refuse la moindre page publicitaire afin d’être certain de garder sa liberté de ton absolue. Alors c’est sûr, ce n’est pas de la bande-dessinée qui plaît à tout le monde : c’est un bouillonnement de gags, parfois drôlissimes, souvent nuls à gerber, mais qui jamais ne laissent indifférents. Les auteurs de Fluide osent tout, prennent des risques et innovent. Tous les mois, ils contribuent avec quelques pages chacun à ce magazine collaboratif (pour ne pas dire bordélique). Ce n’est pas pour rien si c’est dans les pages de ce mensuel que l’on a vu naître deux des stars de la BD moto : Coyote et Frank Margerin

Lecteur assidu et tout a fait subjectif de Fluide Glacial (tu l’auras compris, je ne suis pas du genre à me farcir des pages wikipedia mais plutôt à causer de ce que je connais), je ne pouvais qu’en être influencé à ma modeste échelle. Forcément, en créant ce webzine décalé au printemps dernier, je ne pouvais m’empêcher de penser au projet fou-fou qu’avait pondu Gotlib en 1975.  Bien sûr, je n’ai pas le talent du Maître – ne me faîtes pas dire ce que je n’ai pas dit – et Vie de Motard est loin d’être voué au succès de Fluide Glacial. Mais l’inspiration est bien présente elle : le côté différent de la presse officielle, la volonté d’être totalement libre, les aspects foutrarques et potaches, le goût pour l’expérimentation (avec de superbes ratés dont nous sommes aussi fiers que nos réussites) et bien entendu la bande de sales gosses déjantée qui l’anime. Le seul truc qui nous manque d’ailleurs, c’est de ne pas avoir la chance de vivre tous au même endroit : on raconte que les soirées de bouclage de Fluide sont danstesques !    

Voilà. Du coup, en apprenant la nouvelle de sa mort l’autre jour, j’étais tout chose figure toi. Il ne nous connaissait pas – il nous avait eu sous X en quelque sorte – mais pourtant on lui doit tellement à Gotlib. Alors même s’il n’en saura jamais rien désormais, je voulais y dire merci pour toutes ces bonnes idées qu’il m’a donné à travers son magazine. 

Merci Gotlib.

4 Commentaires

  1. Maître à penser, école de l’humour enfin, d’un humour, Gotlib m’a biberonné avec Fluide a aussi une certaine façon de voir la vie et de la vivre. 53 balais et je chiale comme un môme comme j’avais déjà chialer pour la mort du Coyote et Desproges. Mais bon… Ça été surtout de la joie. L’année dernière je me suis offert l’intégrale de la Rubriquabrac. Un pavé . Mes albums originaux ont tellement été lus et relus… C’est pas une pomme que j’ai pris sur la tête …. C’est le pommier tout entier.
    Salut Marcel, bises a Choron et Cavanna…pis Fred aussi.
    Fernand

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