Cette semaine mes potes sont partis faire l’hivernale MJ. Ça faisait quinze jours qu’ils préparaient leurs meules pour l’occasion, étudiaient le parcours, les prévisions météo et compagnie. J’étais jaloux comme un poux. Ben oui, je ne pouvais pas y aller moi. J’ai beau avoir 3 mois de vacances, je ne peux pas les poser quand je veux (j’en suis sur, t’es en train de me plaindre). Puis j’ai entendu parler d’une ch’tite course sur une plage quelque part dans le grand ch’nord. Attends, ça va me revenir, oui, c’est ça : l’Enduropale du Touquet. Et vu que les grenouilles annonçaient une météo bien pourave par là-bas, je me suis dit : puisque les copains vont s’amuser sans moi, ben je vais me faire ma propre hivernale. Et avec à peu près autant de bornes que ce qu’ils feront en une semaine. Na !

Le samedi matin je me suis donc levé de bonne heure. Oui, je n’avais pas envie du bain de foule du dimanche et puis je me disais que ce serait rigolo d’aller voir des gamins tourner dans le sable (au lieu de faire leurs devoirs d’ailleurs, c’est pas sérieux du tout). Au programme, 3h de départementales censées me faire arriver sur place pile pour voir la furia des derniers tours. Niveau équipement, je n’avais rien laissé au hasard, la Picardie n’étant pas réputée pour ses palmiers : cagoule, veste et pantalon d’hiver, doudoune, pull polaire, sous-vêtements thermiques (autrement dit un collant) et slip en fourrure. Un vrai eskimo. J’étais prêt à affronter les éléments. Enfin, je croyais.

Jusqu’à Beauvais, j’ai fait la route avec un beau soleil matinal. J’me disais que Météo France avait vraiment un côté marseillais dans ses prévisions catastrophiques. Prenant un rythme de croisière pépère, j’allume même la radio de mon intercom et commence à siffloter un de ces tubes qui passent en boucle. On me dit toujours que je chante faux, mais je ne pensais pas à ce point : passé Crèvecoeur-le-Grand, il commence à tomber des seaux de neige. J’ai beau arrêter de chanter, ça continue, ça empire même. Surement trop occupé à enlever les paquets de neige qui se collaient sur ma visière, j’ai dû rater un panneau. Du coup, je ne sais pas trop comment mais j’ai commencé à tourner en rond. Impossible de sortir ma carte sous la tempête en plus. Finalement, j’ai fait une sorte de grande boucle me ramenant à… Crèvecoeur. Là t’es en train de te marrer en mode : il a l’air fin monsieur « j’ai pas de GPS ». Mais le pire, ce n’était pas d’être perdu ou complètement gelé, c’était de ne pas pouvoir lâcher le guidon pour éteindre cette foutue radio. Certaines nuits, je cauchemarde encore des jingles pitoyables de France Bleu Picardie. Une vraie torture.

La tempête de neige s’est arrêtée aussi soudainement que ce qu’elle avait commencé. J’ai coupé le moteur et enlevé mon casque. Autour de moi, une immense étendue blanche façon toundra sibérienne et un grand silence feutré. J’ai réalisé que pour la première fois de ma vie, j’avais roulé dans la neige. Grand moment d’émotion. Après un petit point navigation, j’ai réussi à retrouver la route d’Abbeville et je suis reparti en imprimant ma trace sur le tapis blanc. Savourant pleinement ce moment magique, je me répétais intérieurement telle une douce mélopée : « Tu vas te vautrer, tu vas te vautrer, tu vas te vautrer ».

Ne me demande pas comment, mais je suis finalement arrivé en un seul morceau. En revanche, j’ai eu beau accélérer le rythme sur des routes un peu plus dégagées, c’était foutu pour la course du matin.

Au Touquet, le front de mer reste caché par les immeubles jusqu’au dernier moment. Et paf, d’un coup tu comprends que tu n’as pas fait plus de 300 bornes pour rien. Devant toi s’étend la mer jusqu’à la ligne d’horizon où elle se confond avec un ciel superbe (pour le Nord). La plage est recouverte de tentes, chapiteaux et camping-cars. Et à la place des cris de mouettes, c’est la joyeuse cacophonie de ces sortes de Playmobils à 4 roues –  bondissant un peu de partout sur le circuit – qui raisonnait dans le vent iodé. J’ai réussi. Je suis au Touquet. S’il y avait eu un peu moins de monde, je crois que je me serais jeté à genoux dans le sable. Mais j’suis un mec vachement digne alors je suis plutôt allé m’acheter un énorme sandwich au boudin blanc et oignons frits. Puis entre deux encouragements sur le bord de la piste, j’ai pris quelques photos histoire de prouver à ma gonzesse que je n’étais pas allé rue Oberkampf boire des bières pendant qu’elle bossait. J’ai aussi essayé de voir des gens et tout compte fait j’en ai vus d’autres. J’ai notamment disserté sur les joies du moto neige avec mon voisin de parking ayant eu moins de chance que moi (son ER-6 portait une glorieuse balafre gagnée sur une plaque de verglas quelque part vers Hesdin). Et puis ce fut déjà l’heure de rentrer.

L’esprit d’aventure ayant ses limites, j’ai opté pour l’autoroute que je supposais abondamment salée. Ce fut le cas. Et heureusement au vu de l’orage glacial qui me poursuivit presque tout le long. Casque ouvert à cause de la buée, couché à plat ventre sur mon réservoir pour m’abriter derrière ma petite bulle, la main gauche coincée sous les fesses histoire de la réchauffer, j’avalais presque d’une traite les 250km me séparant de la douche chaude dans cette position pas très académique. Il y a des mecs qui ont la classe au guidon. Moi pas. En arrivant sur Paris, j’avais, comme d’habitude, perdu mon contre la montre avec la nuit et je retrouvais avec soulagement la chaleur polluée des embouteillages de l’A1.

Au terme de cette balade, le V-Strom affichait exactement 634km, mes doigts étaient violets jusqu’à la deuxième phalange et ma moustache n’était plus qu’une grosse stalactite.

Samedi, en allant à l’Enduropale du Touquet, j’ai fait la première hivernale de ma courte vie de motard. Et j’ai adoré ça.  C’est grave docteur ?

DSC00110

3 Commentaires

  1. Phil91 :

    Bien sûr que c’est grave. Tu vas avoir envie de partir pour une hivernale avec nuit (s) sous la tente, le devant à 80° devant le feu de bois, et le dos à -10. Refaire le monde avec des barbares (enfin par le look, sinon c’est que des mecs sympas).
    Et pour être sûr de bien en profiter, un jour tu passes au side-car… et t’es foutu.

  2. Philippe :

    Une sortie moto, c’est toujours une aventure. Parfois, tout roule,gros kif, et parfois, ça dérape un peu, pluies torrentielles, nuit, neige, panne, toussa toussa, des fois même plusieurs en même temps, et pourtant, après coup, ça reste un gros kif. C’est pas être maso, c’est être vivant, enfin, il se passe quelque chose.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.