Le casque et la plume #14 : Steve McQueen, the life

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Steve McQueen. Un nom qui est presque devenu un adverbe, un adjectif, un de ces trucs chiants qu’on apprend en grammaire en CM1. Un nom qui est aussi devenu un classique, une icône, une légende, un de ces trucs chiants qu’on retrouve jusque dans les pubs pour Ford ou les bouclards hype pour tronçonneurs en folie. Moi ça m’emmerde, cette mode. Et je suis sûr que ça l’aurait emmerdé aussi…

Quand les éditions ETAI nous ont envoyé les docus de presse et que j’ai vu ce livre, j’ai immédiatement et sans le moindre scrupule mis mes petits camarades devant le fait accompli : le Steve McQueen, il est pour moi. Pour les réclamations, s’adresser au prochain guichet.

Ils auraient bien légitimement pu se dire que j’exagère, qu’à chaque fois qu’on sort un bouquin sur le roi du cool, c’est moi qui le rafle. Steve McQueen et ses motos, Steve McQueen et ses voitures, Steve McQueen et ses pédalos, Steve McQueen et ses pots de rillettes du Mans, y a un bouquin par semaine qui lui est consacré.

A vrai dire, j’ai presque immédiatement regretté de m’être porté volontaire pour écrire un papier sur ce livre. Non pas parce que c’est une feuille de chou, bien au contraire. Deux cent quarante pages grand format superbement illustrées et remarquablement écrites, vraiment rien à redire. On y parle de tout sauf de moteurs, d’huile ou de circuit. On y parle du bonhomme. Là, la question s’est vite posée : sous quel angle vais-je pouvoir aborder mon article ? Dresser une liste à la va-vite de ce qu’il a fait de bien, de mal ? Raconter ce qu’il aimait manger le dimanche midi quand il allait visiter tante Jocelyne à Dijon ? Très peu pour moi. Tout le monde s’en fout, et moi le premier.

Or, c’est précisément ce qui me bloquait. Parce que Steve McQueen, pour moi, c’est pas juste un mec que je connais vaguement, que je trouve cool parce que c’est la mode, qui est passé ad patres depuis belle lurette et qui m’intéresse plus ou moins parce qu’il roulait sur des Triumph modifiées dans le désert à une époque où on pouvait rouler sans casque.

C’est beaucoup plus profond et complexe que ça. McQueen faisait déjà partie de mon univers bien avant qu’on ne le déterre à grands coups de pelleteuse pour s’en servir de planche de surf. C’est mon père (encore lui, puisque c’est déjà lui qui m’a le premier posé le cul sur une selle) qui me l’a fait connaitre. Le plus amusant, c’est que ces deux évènements n’ont à l’origine aucun lien. En effet, à l’époque où j’ai découvert et aimé la moto, je ne connaissais pas encore McQueen. C’est arrivé un ou deux ans plus tard.

A une époque lointaine où on rediffusait à la télé la série « Au nom de la loi » qui l’avait fait connaître. Il avait réussi à me convaincre qu’ils bossaient ensemble, Steve et lui. Mes sept ans n’y ont vu que du feu. Dès lors, chaque jour, je regardais l’épisode en guettant une apparition de mon père aux côtés de Josh Randal. En vain, naturellement. Puisque non, mon père n’était pas chasseur de primes en Arizona vers 1895. Mais ça, je ne l’ai compris que plus tard.

De là, allez savoir ce qui s’est passé dans ma petite tête. J’ai grandi avec lui. A l’adolescence on s’est un peu perdus de vue et puis, avec le temps, on a renoué. Arrivé à l’âge adulte, c’est comme si il revenait dans ma vie. Alors j’ai commencé à vraiment m’intéresser à la sienne, sans trop savoir pourquoi… Surtout qu’à la fin des années 90, Steve McQueen, c’était juste un « grand acteur parti trop tôt », pas du tout le super bonus publicitaire actuel.

Là je me suis aperçu qu’on avait beaucoup de points communs. Sur le plan personnel, j’entends. Des enfances semblables, des centres d’intérêt similaires (et je ne parle ni de moto ni de gonzesses), et même certains comportements qu’on pourrait qualifier de familiers (pareil, je ne parle ni de moto ni de gonzesses). Le hasard fait bien les choses, on dirait. Sans le savoir, mon père a eu le nez creux.

Je commence à en connaître long, sur ce mec. Ce n’était pas un ange, mais c’était loin d’être un démon. Ce que je veux dire, c’est que derrière les sempiternelles images qui circulent sans arrêt, surtout dans notre microcosme motard, y avait un bonhomme d’une complexité et d’une richesse qui méritent qu’on s’y intéresse pour d’autres raisons qu’une nostalgie plus ou moins déguisée, plus ou moins assumée. Parce que McQueen, c’était pas que ça. C’était même loin d’être que ça. Et ça m’emmerde de voir une vie réduite à des images d’Epinal.

Pour moi, il est comme une espèce d’oncle, un truc comme ça. Un membre de la famille, ou un grand frère que j’aurais pas connu, je sais pas. Ça vient de trop loin, c’est trop profond pour être expliqué avec précision et de façon intelligible par tous. Alexandre Astier a dit sensiblement la même chose au sujet de Louis de Funès. Y a plein d’étapes de ma vie, encore aujourd’hui, où je me dis presque qu’il est là, quelque part pas loin. Y a tellement de similitudes troublantes. C’est con, hein ? Mais c’est comme ça. Pourtant, comme dit au début de ce texte, ça fait belle lurette qu’il est passé ad patres.

Le 07 novembre 1980.

Le jour des trente ans de mon père.

 

 

Régis vit en Haute-Savoie. Unique héritier d'une longue lignée de non-motards, fasciné depuis sa plus tendre enfance par tout ce qui a un moteur entre deux roues pour des raisons toujours obscures. Curieux de nature, autodidacte dans bien des domaines, condamné à mort par contumace dans plusieurs pays d'Amérique latine, il a fini par découvrir que son amour de la moto était non seulement aussi fort que celui qu'il a pour l'écriture, mais qu'en plus l'un nourrit l'autre.
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4 Commentaires

  1. C’est bien de se promener avec un mythe, mais bon… c’est aussi utile que de manger un chewing gum au fond d’une piscine.
    L’image qu’il donne est cool, mais ça n’était pas un cool loin de la.

    • Oui. Si le thème est « Pour ou contre Steve McQueen », franchement, je vois pas l’interêt. On aime ou on n’aime pas… Pas convaincu qu’il y ait matière à débat.
      En tout cas, ce sera sans moi !

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