Trempés jusqu’aux os, maculés de boue, épuisés par des heures de roulage cataclysmiques, pour la première fois depuis la création de la Rando TT Pirate il s’est passé quelque chose d’inattendu, d’incroyable. Le samedi soir, les pilotes ont… dormi. Point de fête orgiesque jusqu’à pas d’heure à base d’alcools maison tous plus douteux les uns que les autres. Le calme. Le silence. L’édition 2018 fut de loin la plus extrême de nos éditions. Et à défaut d’avoir pu rendre hommage à nos redoutables flibustiers ce samedi soir là, c’est dans ce texte que je vais leur lever mon verre de rhum. Trinquons !

Je bois à la météo. La pire météo de l’histoire de la pirate. Le vendredi soir fut suffisamment clément pour nous donner l’espoir d’un beau weekend ensoleillé. Mais la pluie battante nous cueillant au réveil fut une première épreuve de courage pour nos héros. Avaler un café, enfiler ses bottes humides et en route. Enfin, en chemin. Des chemins transformés en quelques heures en patinoires boueuses.

Au fil de la journée, la pluie a cédé la place à une authentique purée de pois. Les pirates ont roulé avec une visibilité excédant rarement les 20 mètres. Quand on connaît les sublimes paysages du plateau ardéchois, il y a de quoi avoir les boules ! Leurs yeux étaient rougis par la neige fondue fouettant leurs visages sans masques (rendus inutilisables dès les premières minutes par la buée) . Durant la nuit du samedi, la neige s’est invitée à la fête, recouvrant la trace du dimanche d’un léger – mais parfaitement casse-gueule – tapis blanc. Cette fois plus que jamais, la météo altigérienne a éprouvé les hommes et les machines.

Frigorifiés, grelottants, ce n’étaient plus des pirates, mais des grognards napoléoniens affrontant le Général Hiver non pas dans une retraite mais dans une charge héroïque, avançant envers et contre tout. Nombreux furent ceux terminant la trace bien après que la nuit soit tombée, refusant de céder aux éléments et à la fatigue. Des braves. Ou des fous. Peu importe, c’était beau.  

Je bois aux Pirates. Je le sentais au moment des inscriptions, 2018 serait un grand crû. Point de mous du genoux, de timorés ou de chieurs. Nos 50 pilotes en ont bavé de la première à la dernière seconde. Si leurs traits de visages marquaient la souffrance et l’épuisement chaque fois que nous les croisions sur le parcours, c’est aussi leurs sourires qui illuminaient la grisaille ambiante.

Ils étaient venus pour ça, pour se dépasser et ils l’ont fait. Il y a eu de beaux faits de solidarité et d’entraide comme on les aime ici. Les groupes étaient composés de bécanes on ne peut plus hétéroclites, passant du maxi-trail à l’enduro, des vieux tromblons à la neuve 300 Versys. Et vous savez quoi ? N’en déplaise à tous les éternels débats à la con made in réseaux sociaux, ils ont tous roulé ensembles, se sont serrés les coudes ensembles et sont allés jusqu’au bout ensembles. Les motos ne sont que des outils, c’est les hommes et les femmes qui les pilotent qui importent. Et ils étaient formidables.

Nous dédions cette Pirate 2018 à nos deux premiers grands blessés dans l’histoire de cette rando : le Dirty-Guide Louis (Mr Enduristan France pour ceux qui l’ignoreraient encore) qui s’est pété la clavicule et fêlé plusieurs côtes et Radu, un de nos plus fidèles pirates, qui est rentré chez lui avec une jambe plâtrée. Alors que d’autres nous auraient collés un procès aux fesses pour une présence de boue abusive sur la piste, nos deux blessé eurent une attitude exemplaire. Radu est resté allongé au sol presque deux heures le temps que le 4×4 des pompiers réussisse à l’atteindre, serrant avec panache les dents. Louis, lui, en bon guerrier, est carrément remonté sur son XT et est rentré tout seul au camp pour ne « pas déranger ». Des braves j’vous dis. Bon, des braves carrément fous, mais des braves quand même !

Je bois aux Dirty-Guides. La Rando TT Pirate, c’est eux. Une quinzaine de bénévoles (une bande de copains surtout) qui chaque année s’infligent la gestion d’un groupe d’inconnus sur une trace souvent toute aussi inconnue. Très honnêtement, rares sont les types capables de gérer ce genre de plan pourri : Créer la cohésion entre des gens aux niveaux très différents, faire en sorte que tout le monde s’amuse, adapter si besoin en temps réel la trace, gérer les coup de mou, les chutes, les pannes et les blessures. Les entreprises en recherche de séminaire sur le « management » devraient faire un tour à la Pirate… On a une chance incommensurable d’être entourés de ces mecs en or, nous remerciant pour la balade alors que c’est eux qui ont taffé tout le weekend. Chaque édition nous soude un peu plus les uns aux autres et je suis fier de rouler parmi ces authentiques Dirty-Pirates.

Je bois au staff. C’est la grande nouveauté de cette année. Un vrai staff. Alors que jusqu’à présent nous bricolions une assistance avec mon beau-père et qu’Alex devait se débrouiller pour filmer avec une caméra dans chaque main et son stab’ entre les dents, là nous étions une vraie équipe. Que des volontaires, aussi naïfs que bénévoles, persuadés qu’ils passeraient un bon moment avec nous au chaud dans les 4×4. Les pauvres. Se geler le cul à attendre les pilotes pour les filmer , enchaîner les allers-retours de dépanneuse, courir au quatre coins du parcours sans presque avoir le temps de manger, voici la triste réalité d’une organisation off-road. Et pourtant, qu’est-ce qu’on s’est poilés ! De fous rires en vannes pourraves le weekend est passé sans que l’on s’en rende compte.

Et ce staff pléthorique, pour moi, ce fut LE grand changement. Un vrai bouleversement. Pour la première fois, je n’ai pas été rongé par le stress durant 48h. Pour la première fois… j’ai passé un bon weekend. Ben ouais, en général l’organisateur est le seul qui ne s’amuse pas. Et finalement, je suis presque content de m’être pété le bras. Grâce à ça, j’ai dû apprendre à déléguer. Mais déléguer vraiment. Rémi s’est découvert un talent (pas si) caché d’organisateur-en-chef tandis que les dépanneurs et marshalls ont été quasi autonomes tout le weekend. Bertrand et Ferdi étaient à la navigation des 4×4 tandis que Franck a joué les assistants caméra. Et moi ? Et bien j’ai eu la très très agréable sensation d’être inutile. Le staff de la rando TT Pirate, c’est un collectif spontané d’amateurs qui s’est auto-formé de manière empirique et qui fonctionne du tonnerre. Pis il y a comme un gros pincement au cœur de fierté de voir qu’un événement que j’ai créé de toutes pièces petit à petit me dépasse et désormais puisse se dérouler – dans l’absolu – sans moi. Allez, l’an prochain je pars aux Bahamas avec la caisse de la Pirate pendant qu’ils se gèleront les miches !

Je bois à la Rando TT Pirate 2018. Et à toutes celles passées et à celles venir. Cette aventure partie de rien et sans aucune autre ambition que celle de partager une passion dure miraculeusement depuis 4 ans malgré une organisation plus qu’amatrice et non rentable. Je n’en reviens pas.

Merci à vous tous, pilotes, guides, staff qui faites vivre cet événement aussi unique qu’incroyable.


Photos : Le Motard Bionique, Max & les Pirates

10 Commentaires

  1. P’tain, j’ai encore de la neige fondue sur la joue,
    Mais… non…. c’est une larme…
    C’est bô ce que tu écris… J’en chialerai presque…

    Un mot aussi à ceux qui ont taffé pour faire une trace de folie. Belle, technique, des fois (souvent) casse-gueule. A se poser la question : mais kesse-je-fous là. Bises aux traceurs.

    Philippe

  2. bravo a vous les dingues qui organisez, tracez, filmez (non pas les cameramen, c’est des sadiques). surtout ne succombez pas à la tentation, ne nous délivrez pas du mal…

  3. Gloire à Cigalou, gloire à Remi, vive la pirate, je ne m’attendais franchement pas à ces difficultés, c’est peut être pour ça qu’on apprécie d’autant plus de les passer. Désolé de vous avoir délaissé dès 11H, mais une chute douloureuse sur l’épaule m’a fait craindre un handicap m’emperchant de rentrer sans devoir être accompagné.

  4. Bin oui… On s’est régalé !
    malgré le froid, la pluie, la neige… Tout ça masqué par l’ambiance géniale qui régnait dans le(s) groupe(s). Le, les je ne sais plus tellement ça a fluctué car en bons derniers, on a ramassé tout ce(ux) qui traînaient. Bienveillance, humilité, encouragement et sympathie. Nous étions regroupés pour rouler ensemble et se faire plaisir.
    Pour ma part, c’était mon premier raid TT. Donc gros stress. J’ai été soutenu et porté, dans tous les sens du terme par l’équipe.
    Une super ambiance
    Un grand merci aux accompagnateurs. Merci à Louis pour nous soir ouvert la trace pendant 10 minutes en nous montrant que tomber n’est pas honteux, j’espère que tu as pu rentrer chez toi sans trop de douleur. Merci à Éric et à son rôle de moto balais la plus rassurante et la plus cool du monde. Merci à Bachi, notre bosco fédérateur qui a su tirer le meilleur de nous et à son tracé évolutif qui permet à tous d’arriver au bout. Merci à Christian de nous avoir guidé au radar en évitant les icebergs. Merci à Jean pour ses encouragements, ses conseils et d’avoir su être partout à la fois.
    Une vraie expérience humaine. Tous unis pour aller jusqu’au bout.
    J’en garderai un super souvenir.
    A l’année prochaine

  5. Pour moi ce fut une première à la TT Pirarte. J »en entends parler depuis longtemps. Je l’ai enfin vécu : un moment unique comme on en vit peu. Debout sur sa moto, le regard loin, rien ne peut venir nous parasiter l’esprit. On dépose alors les problèmes au pied de la moto pour suivre l’appel du chemin. Les copains en compagnons de galère, l’entraide et les rigolades jetterons sur ce weekend un moment absolument délicieux que même la neige, le froid, le brouillard et même la nuit n’aurons su ternir un seul instant. Nous sommes rentrés épuisés, vidés mais tellement heureux de l’avoir fait, d’avoir été ensemble jusqu’au bout. Il n’y a là nul exploit mais une simple satisfaction personnelle. Merci d’avoir créer cette escapade, qui pour nous parisiens de notre état, devient une véritable cure dans un quotidien toujours plus sous pression. Ainsi, on se rappelle de l’essentiel : vivre à fond ! A l’année prochaine chers amis ! 🙂

  6. Un article à la hauteur de l’événement et de tout ce qui a été vécu par les flibustiers.
    Je rajouterai simplement qu’au départ de la rando il y avait bon nombre de moussaillons ( débutants en TT ) après une telle aventure ils sont devenu(e)s des pirates !!! Respect et longue vie à la pirate.

  7. Merci pour ce bel article et merci pour cette rando, merci aux personnes faisant vivre cet évènement.

    Et encore un merci aux Dirty Guides. Car nous on vient tranquille « se faire balader » mais eux découvrent, guident et gèrent un groupe qu’ils ne connaissaient pas quelques instants avant. C’est un vrai boulot, merci pour votre dévouement !

    Et bravo aux gros trails, ce sont vous les plus dirty des dirty. 😉

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