Le casque et la plume # 5 : McQueen et ses motos

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Nous allons vous parler d’un temps que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître. Et pourtant, même les moins de vingt ans le connaissent. Étrange destin que celui de cet homme qui, près de quarante ans après sa mort, fait toujours parler de lui dans le monde du glamour en général, et de la moto en particulier. Vie de motard a eu le plaisir de lire pour vous le magnifique McQueen et ses motos, en route avec le plus cool de tous…

McQueen et ses motos, paru aux éditions E.T.A.I, se présente sous la forme d’un somptueux livre de 160 pages format A4. Il se divise en six chapitres abordant toutes les facettes motardes du king of cool. Préfacé par Dave Ekins, frère de Bud, concessionnaire Triumph à Los Angeles, ami proche de McQueen et accessoirement l’auteur de la célèbre cascade par dessus les fils de fer barbelés de La grande évasion, l’ouvrage est une mine  d’informations non pas sur la star de cinéma, mais sur l’amoureux de motos qu’était Steve McQueen. Il ne s’agit en rien de sa biographie. L’auteur a su éviter le piège, et nous lui en sommes grés.

En effet, c’est bel et bien de motos qu’il s’agit. De motos autant rares que courantes, mais qui ont toutes joué un rôle et tenu une place particulière dans la vie et le coeur de l’acteur. Il s’agit aussi de son rapport avec le monde de la moto, de son amour pour la pratique de ce sport, de sa vision du deux roues quel qu’il soit, du solex (non non, ne riez pas, il en a acheté un lors du tournage du film Le Mans en 1970) à la Harley Davidson.

Pour ceux qui l’ignoraient, Steve McQueen était un acteur mécanique. Pour tout dire, il a même confié un jour ne pas savoir lui-même s’il était un acteur qui pilotait ou un pilote qui jouait la comédie. Car il faut savoir que le bonhomme ne faisait pas semblant. Il était assez bon pour être coureur pro, il était respecté dans la profession et assez passionné pour disputer avec succès des courses avec un pied cassé…

Sa toute première moto fut une Indian Chief de 1946 avec side-car, achetée une trentaine de dollars bien avant que la célébrité ne le rattrape. Il restera fidèle toute sa vie à la marque, autant qu’aux Triumph qu’il chevauchera avec joie jusqu’à la lie. Il participera pendant des années à des courses dans le désert, en amateur anonyme, mais aussi à des courses beaucoup plus officielles sous sa véritable identité, comme les 6 jours trial d’Erfurt, en Allemagne, où il a couru pour l’équipe américaine en 1964.

Puis viendra dans les années 70 sa rencontre avec les marques japonaises et européennes, dont il avait jusque lors tendance à se méfier, en puriste un tantinet chauvin. Honda tout d’abord, avec la 250 Elsinore pour laquelle il a même tourné des pubs. Puis Husqvarna, qu’il a rapidement adoré notamment pour ses courses amateur du dimanche. Yamaha ensuite a rejoint la danse avec la 360 enduro dès que la marque aux diapasons s’est décidé à rejoindre ses rivaux sur le terrain du quatre-temps. Car McQueen ne s’en cachait pas : il n’était pas fan du deux-temps. Suzuki enfin a réussi à lui faire enfourcher ses premiers modèles de piste, même si le off road restait son terrain de prédilection.

La piste, il la gardait pour la course automobile.

La collection ne se limitait pas à ça. Loin s’en faut. D’ailleurs, l’homme refusait d’être catalogué comme un collectionneur. En effet, même si à la fin de sa vie il possédait une grosse centaine de machines, il ne s’est jamais contenté de les mettre en vitrine ou de les exposer à côté d’un comptoir façon bar à hipsters. Non, ses brêles, il roulait avec. Aussi éclectiques que fussent ses goûts en la matière, elles avaient toutes un point commun : une certaine élégance au delà de l’aspect pragmatique. Il a passé des heures à chiner sur les marchés aux puces motos de Californie les perles rares, des pièces détachées aux motos vendues en vrac dans des caisses. C’est ainsi que, petit à petit, on pouvait trouver dans son cheptel une rarissime HD de 1903 garée à côté d’une 250 Huskie flambant neuve.

Les tromblons côtoyaient les missiles dernier cri. La vénérable Indian rats avec laquelle il partait rouler et bivouaquer avec ses potes, affectueusement surnommée The blob, partageait le même hangar que la toute dernière 750 four que Honda venait de lui envoyer en cadeau.

Il faudrait des heures pour passer en revue et citer toutes les machines présentes dans ce livre. Les photos abondent, accompagnées des caractéristiques techniques, années de fabrication, cylindrée et, pour certaines, nombre d’exemplaires existants restants. Une véritable encyclopédie de ce que l’industrie de la moto a fait de plus beau. Car l’acteur aimait le beau. Et de plus fiable. Car l’acteur aimait le fiable.

Le livre, en revanche, se dévore d’une traite. Qu’on soit fan ou non du personnage, qu’on le connaisse ou non, peu importe. Le simple fait d’aimer la Moto (vous noterez le grand M) suffit à être comblé. Toutefois, les anecdotes sur l’homme étant nombreuses, les amateurs y trouveront forcément plus facilement leur compte, ça va sans dire. Des anecdotes qui plairont au plus grand nombre, cela dit. Comment ne pas sourire à la lecture du souvenir de l’auteur de la préface, qui raconte qu’un matin, vers 4 heures, il a reçu un coup de téléphone de McQueen l’invitant à aller rouler dans le désert entre potes puis, quand il fera trop chaud, s’arrêter manger un chili et boire des bières dans un rade vers la frontière mexicaine ?

Quelques années après sa mort, une partie de sa « collection » fut vendue aux enchères. Certains modèles furent vendus quatre à cinq fois le prix du marché simplement à cause du nom du propriétaire. D’autres le furent à des sommes astronomiques juste parce qu’on pensait ce modèle introuvable. C’était sans compter sur l’oeil expert du bonhomme et le flair du passionné pour les débusquer, en pièces détachées, étalés sur une couverture à même le sol dans un marché aux puces.

Des nombreux musées motocyclistes renommés ainsi que des collectionneurs privés comptent parmi leur collection d’anciennes motos de Steve McQueen. C’est ce dont traite le dernier chapitre du livre. Que sont devenues les motos de McQueen ? On y découvrira ainsi de véritables curiosités telles qu’une Cleveland Fowler Four de 1926, une Henderson De Luxe de 1924 avec son magnifique 4 cylindres en ligne Excelsior entre autres Indian Scout, Harley Twin de 1915 et Triumph Flathead de 1955.

C’est sans doute le chapitre le plus intéressant, pour ne pas dire passionnant. En effet, dans ce dernier chapitre, aucune image de l’acteur. Que des photos récentes des machines telles qu’elles se présentent aujourd’hui avec leur histoire, leurs pérégrinations…

Elles ont toutes ce point commun surprenant d’être en état de marche, y compris les plus anciennes, largement centenaires. Force est de reconnaître que la star y est pour beaucoup puisqu’il restaurait et entretenait ses machines lui-même. Les paillettes d’Hollywood ne l’intéressaient tellement pas qu’une bonne partie de son argent partait dans ses machines, qu’elles soient motos, voitures ou avions à la fin de sa vie.

Un acteur mécanique certes, mais un motard avant tout et jusqu’au bout. Quelqu’un qui a dit un jour : « Love is the feeling you get when you love something as much as your motorcycle » ne peut décemment pas être considéré autrement.

Régis vit en Haute-Savoie. Unique héritier d'une longue lignée de non-motards, fasciné depuis sa plus tendre enfance par tout ce qui a un moteur entre deux roues pour des raisons toujours obscures. Curieux de nature, autodidacte dans bien des domaines, condamné à mort par contumace dans plusieurs pays d'Amérique latine, il a fini par découvrir que son amour de la moto était non seulement aussi fort que celui qu'il a pour l'écriture, mais qu'en plus l'un nourrit l'autre.
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