Le Casque et la Plume #1 : Motos de la gendarmerie nationale

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La plupart du temps, on a d’eux l’image de serviteurs zélés d’un Etat vampire prêt à toutes les malhonnêtetés pour remplir ses caisses. Qui ne les a jamais croisés, postés à un rond point, attendant, l’écume aux lèvres, l’usager en défaut de contrôle technique ou circulant avec des pneus lisses ? Qui n’a jamais maugréé contre eux, les accusant de n’être bons qu’à emmerder le citoyen sans histoires mais de n’être jamais là où il faut ? Qui n’a jamais pensé « Et allez! Encore 90 boules dans l’oignon » en apercevant trop tard leurs jumelles à PV alors que le compteur de la voiture familiale indique 97 km/h sur une portion limitée à 90 ?Rester objectif et laisser ses a priori au vestiaire en lisant un livre consacré aux motos de la gendarmerie nationale, payées avec nos impôts pour nous emmerder, n’est pas chose aisée. Mais comme nous ne sommes pas là pour entretenir les clivages, nous avons relevé le défi. Parce que c’est de moto avant tout qu’il s’agit, et que ces hommes en bleu sont avant toute chose des motards avec un petit cœur qui bat.

On ne peut pas nier que l’ouvrage ici présenté est le résultat d’un travail d’archives aussi passionné qu’appliqué. Pascal Meunier, l’auteur, y a à coup sûr passé beaucoup de temps et d’énergie, et nous lui en sommes gré. En effet, il fallait au moins ça pour réussir à intéresser le motard lambda, celui qui n’est pas forcément passionné par l’histoire de la gendarmerie de ces cent dernières années.

Ce livre de 140 pages grand format est divisé en sept grands chapitres. Chaque chapitre traite de thèmes tels que les prémices de la moto en gendarmerie, les bécanes employées de 1950 à 1970, le passage du noir au bleu durant les années 70, la période de 1990 à 2005, l’évolution des dix dernières années, les motos des unités spécialisées et le centre national de formation à la sécurité routière. Dit comme ça, à la suite et sans images, ça peut paraitre aussi chiant qu’élitiste. Mais non, pas forcément.

Il y a plusieurs façons d’aborder ce bouquin. La première, celle qui a probablement été envisagée par l’éditeur et l’auteur, est de l’attaquer pour ce qu’il est : un livre sur l’évolution de la moto dans la gendarmerie. Parce que c’est le cas. Il contient de nombreux paragraphes traitant des initiatives, décisions et changements administratifs qui se sont succédé au cours des cent dernières années quant à la cylindrée, la couleur, le modèle, la marque, la quantité, l’usage et l’immatriculation des machines, ce genre de choses. On y trouve aussi de nombreuses anecdotes de la vie courante pour illustrer le propos. Un esprit curieux peut toutefois facilement y trouver son compte.

Mais ce qui peut vraiment rendre l’ensemble intéressant, ce sont les très nombreuses photos d’époque, généreusement commentées, qui constituent la majeure partie du contenu. Là où le travail a été bien pensé c’est qu’il a été fait par des gendarmes, mais pas exclusivement pour des gendarmes. Ce livre a le mérite de n’avoir pas oublié qu’il parle avant tout de motos et que le motard est un visuel, il a besoin de reluquer. Aussi le jargon administratif, législatif et politique est, en comparaison de l’iconographie, nettement anecdotique. Nous nous sommes même surpris à constater que dans le fond, ce livre n’est pas plus fermé au grand public qu’un de ces homologues dédié aux Harley, à la moto GP ou au Solex. Il traite d’un sujet précis dans un environnement précis, le fil conducteur étant la moto.

On peut donc très facilement prendre du plaisir à feuilleter ce livre et à en savourer le foisonnement de photos d’époque dans la première partie de l’ouvrage ou actuelles, dans la seconde. Chaque image étant efficacement annotée, on apprend beaucoup de choses sur certaines motos. Caractéristiques techniques, évolutions, points forts, ceci constitue une véritable mine d’informations sur les machines présentées. Les brêles de gendarmerie étant employées dans des conditions polyvalentes, ces infos n’en sont que plus précieuses pour d’éventuels acheteurs.

Au fur et à mesure de notre lecture, l’image du gendarme posté sur son FJR prêt à ruiner ta journée s’est un peu dissipée. On y constate qu’en effet, ce sont des motards avant tout. On les découvre à l’entrainement dans le centre national de formation, puis on les surprend plus tard en pleine forêt sur des 350 XL ou XR, on les débusque même sur des motoneiges. Et on fait le lien, on comprend que ce sont des motards complets et aguerris, qui savent rouler et manier une moto comme peu d’entre nous le peuvent. Que ce soit jadis sur leurs antiques BSA, Godier Genoud, R60/5 BMW ou leurs FJR, Super Ténéré ou 1200 GS actuelles, chaque témoignage transpire l’amour de la moto avant celui de l’ordre républicain. Ils ont réussi à concilier les deux, c’est tant mieux pour eux. C’est aussi tant mieux pour nous, puisque c’est là une preuve éclatante que l’amour de la moto est plus fort que tout.

L’essentiel étant bien de ne pas avoir perdu cette fibre qui continue à nous lier malgré la couleur de nos blousons.

Régis vit en Haute-Savoie. Unique héritier d'une longue lignée de non-motards, fasciné depuis sa plus tendre enfance par tout ce qui a un moteur entre deux roues pour des raisons toujours obscures. Curieux de nature, autodidacte dans bien des domaines, condamné à mort par contumace dans plusieurs pays d'Amérique latine, il a fini par découvrir que son amour de la moto était non seulement aussi fort que celui qu'il a pour l'écriture, mais qu'en plus l'un nourrit l'autre.
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6 Commentaires

  1. Merci pour cet éclairage littéraire,

    Bon, je n’ai jamais été fan de BMW, alors quand il y a écrit « Gendarmerie » dessus…

    Philippe

  2. Bonjour
    Ai acheté ce bel ouvrage pour les belles images.
    Mais il faut tout de même parfois ignorer les légendes des-dites images !
    Confondre un monocylindre BMW et un flat… Ou nommer BMW une Ratier C6S.
    Il n’existe donc pas de comité de relecture pour un ouvrage qui
    coûte tout de même autour de 40 euros.
    Désespérant.

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