Je vais vous raconter une jolie petite fable. Non, pas celle du Cigalou et de la fourmi. Je vais vous narrer la fable du motard et des deux hippies.

Il était une fois, dans un pays très loin de Paris, un fier chevalier au heaume jaune qui – tout bardé de ses brillantes protections de cross – traversait la nuit noire au guidon de son cheval de métal rugissant. Enfin, de son poney, 400 cm3, c’est un poney. Mais peu importe, reprenons. Il n’avait plus de phares certes, mais qu’à cela ne tienne, il en fallait plus pour arrêter notre héros. Un projecteur de chantier – sanglé sur une de ses valises – lui offrait une dizaine de mètres de visibilité, ce qui était largement suffisant pour ses yeux de lynx. Il roulait donc au jugé en direction de son Manoir d’Aubenas afin de s’offrir un repos bien mérité après avoir jouté tout le weekend en pays Cathare. Rien ne semblait pouvoir arrêter cet étincelant aventurier.

C’est alors que soudain – quelque mauvaise fée ou faune taquin lui ayant certainement jeté un sort – le destrier du chevalier se mit à renâcler avant de s’arrêter, à bout de souffle, sur le bas côté. Posant pied à terre, notre héros tenta tant bien que mal (sûrement plus mal que bien) de le réanimer. Mais que nenni. Ça en était fini de la folle équipée. Il était minuit et demi. Au loin dans le silence de la Nationale 7 déserte, le paladin entendait l’inquiétant hurlement des loups-garous et les klaxons des camions. Las, fourbu, abattu par une bouffée de désespoir, le chevalier se laissa tomber à genoux en murmurant dans la nuit « je suis cuit ».

Il faut dire que le seigneur du Lycée d’Aubenas lui avait laissé jusqu’à lundi 8h comme congé avant que sa note administrative ne se transforme en citrouille. Comment allait-il pouvoir rallier le palais à temps ?

C’est alors qu’une voiture toute pourrie s’arrête à ses côtés. « La Fouine » en sort. C’est une manante dont les frusques dépenaillées et les dreadlocks jurent avec le brillant baudrier du chevalier. Sans hésiter ni réclamer quelque aumône, elle sangle le cheval blessé à l’arrière de son char et voilà cet étrange cortège en route pour Viviers. Elle le conduit dans l’antre de l’un de ses amis, sorcier sur les bords si l’on en croit toutes les fumées d’encens flottant dans son appartement. Le mage Cédric, en plein rite reggae, accueille avec bienveillance le jeune chevalier égaré. Il pourra dormir dans sa chaumière s’il le souhaite. Il ne possède rien, mais lui donnera tout s’il le veut, à commencer par une binouze. Notre héros leur raconte alors ses déconvenues nocturnes. Et, avec une voix tremblante, il évoque la terrible menace du seigneur du Lycée qui pèse sur ses épaules. Touché (et légèrement foncdé), le magicien tend alors les clef de sa Twingo au chevalier. « Va, sois à l’heure au palais ». Le héros refuse, il ne peut pas délester ainsi le hippie de sa voiture. Mais Cédric insiste, lui promettant en outre de garder avec soin le destrier du chevalier dans son salon. Ce dernier fini par céder face à autant de gentillesse. C’est ainsi qu’il s’en est allé au volant d’une bagnole rouillée, véritable carrosse à cette heure de la nuit.  

Grâce aux deux hippies, le motard a donc pu se présenter à 8h au palais et le seigneur l’autorisa encore à participer à de lointains tournois motorisés.

Ce qu’il faut retenir de cette fable les amis, c’est que ce n’en est pas une. La Fouine et Cédric m’ont dépanné, hébergé et prêtée une voiture. Nous ne nous étions jamais vu. Mais nous nous reverrons c’est certain. J’entends souvent dire « dans tel pays, untel m’a tiré de telle situation » ou « c’est une autre mentalité, ça risquerait pas d’arriver en France. » Et bien si. Il existe des gens généreux partout.

Et pourtant, je pense pouvoir vous le dire sans les vexer (au contraire) : mes deux sauveurs sont tout ce qu’il y a de plus en « marge » de notre gentille société bien policée et bien pensante. Ils sont des « rebelles », des parias, de ceux qui font peur sur le JT de TF1 et dont on contourne les molosses baveux sur les trottoirs avec un œil méfiant. Ce soir là ce n’est pas des gens biens – donateurs pour de multiples causes humanitaires et pleins de bonnes intentions – qui se sont arrêtés : c’était la nuit (gare au car-jacking), j’étais plein de boue (gare au sky du siège de l’Audi), puis je ne suis qu’un de ces motards pollueurs après tout. Non, La Fouine et Cédric sont justes des gens bons et sans prétention moralisatrice. Pour eux, c’était tout simplement normal de m’aider. D’humain à humain. Et, ça, c’est vachement badass dans une société qui a peur de son ombre. 

Durant toute cette soirée j’ai repensé à Easy Rider. La moto – à ses origines – portait une profonde dimension « underground ». Les motards n’étaient souvent que des marginaux, participants souvent malgré eux à l’émergence d’une contre-culture. Qu’en reste-il aujourd’hui ? N’est-ce plus qu’un loisir de riches qui « achètent » une part de rebellitude avec de coûteuses machines ? A vrai dire, je me suis senti profondément ridicule avec mon casque valant deux fois le prix de la voiture que l’on m’a prêté. Comme dirait Milan Kundera « La vérité est ailleurs »…       

La Fouine et Cédric sont justes de gentils rebelles. Mais ils m’ont donné une grande leçon d’esprit motard.    

15 Commentaires

  1. L’histoire ne dit pas si tu leurs as rendu la twingo… si ça se trouve ils seraient super contents de garder la mash !!! quitte à être généreux autant l’être jusqu’au bout… lol

  2. Echanger une bécane contre une Twingo…

    Tu baisses, Cigalou, tu baisses….

    Cela me rappelle une histoire : arrêté un soir au bord de la route en train de bâcher sous une pluie de folie, une HD s’arrête avec un type muni d’un cache visage à la Hannibal Lecter.
    Il a dit :  » si tu veux tu peux dormir à la maison ».

    J’ai un peu flippé ma race, mais je n’étais pas en panne. J’ai donc dit : « merci tout va bien ».

    M’a surtout foutu les j’tons…

    Philippe

  3. Des gens bien, il y en a plein, partout. On ne les voit pas au premier coup d’œil, encore moins à la télé, ce sont des petites gens, comme disait mon grand-père, mais plein de gentillesse et de serviabilité.
    Je fais 25000 km par an sur les départementales françaises, avec ma vieille CB400 de 1979. Des misères, il m’en arrive chaque fois, et, chaque fois, quelqu’un passe qui tend la main.
    Au mois d’août, en descendant dans les Vosges, j’ai explosé un roulement de roue dans un rond point au milieu de nulle part. Je me suis traîné jusqu’à un garage où le mec a téléphoné à un fournisseur, puis à un des ses potes qui bossait pas loin de son fournisseur pour qu’il passe chercher les roulements et les ramène. Il m’a même remonté les roulements sur la roue, pour le prix des roulements.
    En mai, en descendant dans le Beaujolais, je suis tombé en rade d’essence, c’était le moment des grèves et les stations de villages n’étaient pas encore réapprovisionnées. J’ai pu continuer à descendre grâce à un garagiste qui a passé 10 minutes à tordre son tuyau de la pompe pour m’en extraire les dernière gouttes, puis, plus tard, grâce à l’essence de la tondeuse d’un gars, rencontré dans un bistrot.
    En mars, je suis descendu sur ma vieille mobylette dans le centre. Ben, au bout de 14 heures de mobylette, quand tu arrives dans une ville dont tous les hôtels sont déjà fermés, qu’il pleut, ça fout les boules, et, à 40 km/h, t’as pas envie d’aller jusqu’à la ville suivante. Je suis tombé sur un brave dame, tenancière d’un des hôtels fermés, qui l’a ouvert rien que pour moi.
    Je peux continuer ainsi à l’envi, parce qu’avec mes motos improbables, et une certaine négligence assumée de ma part, il m’en arrive tout le temps, et, toujours, le beau arrive.
    Et quand c’est moi qui dépanne un gars sur le bord de la route et qu’il me demande ce qu’il me doit, ma réponse est toujours la même : tu dois un service à quelqu’un. Je ne les revois évidemment jamais, mais je suis certain qu’ils paient leur dette.
    Voyons les gens bons et pas le sale ami (celle-ci est douteuse, j’en conviens).

    • j’aime ta philosophie gerard…elle se rapproche de la mienne et de la notre chez VDM. Faisons , soyons et savourons les rencontres qui s’offrent à Nous! Rien n’arrive par hasard et le bonnes choses attirent les bonnes personnes….à multiplier dans notre Monde qui en a besoin…au plaisir.

  4. Salut cig.on s est vu et vite fait parlé à Rennes les bains ( vieux 600 dr de quasi 30 ans et rider de 18 ans supplémentaire ) , j imagine ton bonheur :le coup de la panne après 72h. Déjà bien remplie en plein milieu de nada. ..sacré mashounette ! !!!
    En tous superbe demô des 2 lascars qui t ont tirés des embrouilles.toujours une belle facette en chacun d entre nous .
    Gros  » V » à tous du 50cc à l infini ..
    Matthieu

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