« Dis, j’espère que tu stresses un peu à faire venir des gens des quatre coins de la France pour ta rando TT? » C’est ce que me dit quelques jours avant, sur le ton de la rigolade, Flieger, un de mes « pirates ». Jusque-là, ça allait, je n’avais pas vraiment conscience du truc. Et boum, voilà la montée d’adrénaline.

C’est vrai quoi. C’était la première fois que je traçais un parcours TT et je ne connaissais que trois des participants (en comptant mon père). Certains, c’étaient des pros. Mais en même temps, d’autres avaient l’air d’être de véritables poireaux. « Mon parcours va être trop fastoche. Non, il va être trop dur. Et le dortoir, ça va pas leur plaire ». Bref, je me suis mis à baliser et à ne plus dormir. Merci Flieger.

Le vendredi soir, la boule au ventre, je les vois arriver au compte-goutte. Le premier (encore Flieger) m’avoue son inavouable métier. Oh merrrde, on a un traître dans nos rangs. Puis c’est Pierrot qui se radine, un vrai sauvageon. « Moi, j’aime pas quand il y a trop de gens ». Et merrrde… Puis Max et Sandrine débarquent en mode manouche dans leur camionnette aménagée d’où sort un clébard. Je vois mon père écarquiller les yeux. Et merrrde… Le téléphone sonne « Allô, c’est Thomas, je suis presque arrivé mais je viens de déchausser un pneu. La jante a un pet’. Je remonte le pneu, je rentre chez moi changer de moto parce que sinon demain ça va me gaver et je reviens. M’attendez pas pour grailler ». Le type venait « juste » de Vichy, « juste » 400 km aller-retour à faire by night. Il est arrivé à plus de minuit. Et merrrde… Pendant que Tom faisait son marathon, l’étable s’était remplie de moto de toutes sortes, de toutes tailles et de tous prix. C’était à la fois super beau et super flippant : comment faire en sorte qu’un pur enduro s’amuse autant qu’un 1200 GSA, et inversement ? Et merrrde…

Sauf qu’on attaque l’apéro façon auberge espagnole, chacun ayant ramené les spécialités culinaires et liquides de chez lui. Instantanément, la magie opère : tout le monde discute, fait connaissance, rigole. On ne voit pas l’heure tourner et je dois leur « ordonner » de rejoindre leur pénates (un dortoir de randonneurs à.. 11 couchages ! Je vous raconte pas l’odeur de fauve) avant que le lendemain matin certains aient trop la gueule de bois. De mon côté, je me couche le sourire aux lèvres : « Peu importe les galères à venir, on devrait bien se marrer avec cette bande de joyeux pirates ». Je n’ai pas plus dormi cela-dit. Mais cette fois, c’était d’excitation !

Alors, je ne vais pas vous raconter toute la rando par le menu, ce serait au mieux ennuyeux, au pire frustrant pour vous qui n’avez pas eu la chance d’y être. Une série de vidéos et quelques photos devraient suffire à vous faire ressentir la beauté des paysages arpentés par notre petit convoi et la météo miraculeusement radieuse du samedi. Et puis, honnêtement, la moto n’a presque été qu’un « support », une toile de fond durant ce week-end. Plus que les moments de roulage, ce sont les conversations et les éclats de rire qui nous auront tous marqués.

En fait, c’est ça. Tout le charme de cette première rando TT ça a été son éclectisme le plus total. Un vrai « esprit trail » pour le coup. Il y avait des p’tits jeunes comme les savoyards Olivier et Julien qui étaient venus à peu près aussi entraînés et équipés que pour un Paris-Dakar. Je crois bien qu’ils avaient un moteur de rechange dans leur camion. Bon en même temps, l’Africa Twin d’Olivier faisant à peu près du 1 litre d’huile au 50 km, valait mieux… Des moins jeunes comme Eric – alias Tafioléon Ier – livre ouvert sur la moto les rares moments où il arrêtait de déconner. Des vrais débutants comme Marine en aspi sur sa petite Pampera, se mêlant à de véritables pilotes comme Fabien qui roule en enduro tous les week-ends. Il y avait des fanatiques de la terre comme Pierrot qui parcourt 10 000 bornes de piste par an, ou l’autre fou furieux de Tom. Rien à voir avec le parigot Rodolphe qui y posait ses roues pour la première fois. Bon, il n’y a pas posé que ses roues : son coude, son genou, ses fesses, son dos, son casque… Il a beaucoup communiqué avec la pouzzolane volcanique de Haute-Loire, ne ratant pas une occasion de se mettre au tas, pardon, de s’y rouler avec allégresse. De Paname, on avait aussi le journaliste Zef Enault qui avait fait le déplacement. Testant pour l’occasion un XTZ 660 en « slicks » et ABS pas déconnectable. En véritable funambule de la moto, il franchira tous les passages techniques avec brio avant de se vautrer bêtement sur une touffe d’herbe grasse (son jean n’ayant pas survécu à la chute, je ne vous raconte pas les vannes). Ensuite, il y avait Laurel et Hardy : Philippe, 15 ans d’enduro derrière lui, une technique et un talent de dingue, au guidon de sa 1200 GSA obèse à qui il a fait subir les pires sévices. Et Flieger, jamais fait de TT, un look improbable, s’accrochant tant bien que mal au guidon de l’enduro-de-malade-qui-grimpe-aux-arbres prêtée par son concess pour l’occaze. Max et Sandrine, un couple de rallyeman/woman, qui étaient largement au-dessus du niveau de cette rando tranquillou, ont pris le parti de la pédagogie – comme Fabien, Pierrot et Tom d’ailleurs – en conseillant et aidant les débutants. Max a même fait un peu de mécanique (mais j’ai juré de garder le secret)… En parlant de mécanique, mon beau-père et ma belle-sœur, au guidon de leurs 350 XT façon cour des miracles nous ont rejoints dans l’aprem. Ils ne sont finalement pas tombés en panne, on se demande encore comment. Enfin, mon paternel, fermant le convoi, s’était laissé persuader – après de longues négociations – de porter un horrible gilet fluo et de ronger son frein en queue de peloton. Vu que le samedi il avait bien bossé, je l’ai autorisé le dimanche matin à partir avec le sous-groupe des « enduristes ». Il était tellement content de son permis d’envoyer du lourd qu’il en a cassé son câble d’accélérateur au bout de 3 km à force de tirer dessus ! Voici donc, en vrac et en quelques lignes, l’improbable bande de motard(e)s qui a déambulé à un rythme tranquillou sur les chemins de Haute-Loire ce week-end là, tandis que ma mère s’affairait à nous préparer le ravito-gastro du midi. Oui, c’est une véritable « entreprise familiale » la rando TT pirate.

De plus en plus, on assiste dans la moto à un repli « communautaire » : les routards, les boueux, les scoobites, les rallyemen, les pistards,… Pire, on en arrive même à rouler par marque et modèle de moto : les ducatistes, les V-Stromistes (si si ça existe), le GS Trophy, etc. Sauf que c’est dommage. Car finalement, tu te retrouves à peu de choses près entre gens du même monde et du même âge. Alors que la moto, depuis ses débuts, c’est un espèce de large dénominateur commun qui permet de rassembler des gens de toutes origines et de toutes conditions sociales, autour d’une même passion. Ce week-end là, nous avions un panel d’à peu près toutes les professions, tous les comptes en banque – ça allait du découvert au compte en Suisse (je suis sûr qu’Eric en a un grâce aux révisions de mon V-Strom) – et de cultures moto radicalement différentes. Et finalement, ben on est tous repartis plus riches de ces rencontres. Et je le dis sans mièvrerie, c’est un fait. Mieux que ça, on est repartis amis.

Autrement dit, si on devait tirer un enseignement de cette rando TT pirate, ce serait, comme disait ce type qui devait être un sacré motard :

Aimez-vous les uns les autres, bordel !

 

Ce weekend je posterai dans un article exprès (et express) le lien des vidéos de la rando TT pirate avec quelques petites explications, mais pour les plus pressés, vous pouvez déjà aller les visionner sur ma chaine youtube.

5 Commentaires

  1. A lire ce compte rendu ça donnerait presque envie à la fille qui a peur de rouler dans le gravier (alors en TT, t’imagines!), à voir les photos, je me dis vraiment qu’il faudra pas que je m’étonne tout à fait d’un jour me retrouver dans ce genre de truc de dingue!
    Pour l’éclectisme de ta troupe, je suis d’accord, dans la moto et les rencontres de motards c’est bien le meilleur. C’est ce que j’aime dans l’asso dont je fais parti: le seul critère qui nous relie c’est l’envie de se perfectionner (et là chacun à une raison différente de trouver cette motivation). J’aime pouvoir échanger avec des gens différents de moi, c’est bien plus enrichissant!

  2. Bravo Cigalou d’avoir réussi à retirer l’essence humaine de toute cette aventure !
    C’était en effet tout comme tu as dit ! Que du bonheur, que des belles rencontres, tu as mené toute la troupe de main de maître, tout comme l’organisation c’était parfait. Et moi je n’ai qu’une envie : recommencer !!

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