On parle très souvent des motos que l’on a eues, de celles que l’on a. Mais c’est assez rare d’évoquer ce moment d’entre-deux où tu te retrouves momentanément piéton avec un seul objectif en tête : dénicher la perle rare. C’est des semaines de flottement où ta passion s’écrit au conditionnel, à la fois ouvertes à tous les possibles, tous les fantasmes et à la fois ô combien frustrantes.

Dans ces moments là, ton site favori devient Le Bon Coin. Foutu Le Bon Coin. Paradis des margoulins et des (très) bonnes affaires. C’est un peu le souk version numérique, là où tout se vend, tout s’achète mais surtout tout se négocie. Derrière chaque annonce tu essayes d’imaginer le propriétaire et ce qu’il ne te dit pas. Devant chaque photo tu écarquilles les yeux essayant de voir l’invisible défaut. Il y a des codes tacites, des règles implicites. Et au milieu de tout ce bordel tu sais qu’elle est là, qu’elle t’attend toi le motard fauché, cette perle rare que tu choperas à pas cher. Tout est alors question de patience, de feeling et de… beaucoup de chance.

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Mon cahier des charges était simple : je voulais une bécane capable de m’amener bosser tous les jours et de terminer un rallye à peu près dignement le weekend. Il fallait juste qu’elle ne soit pas trop bornée car je vais lui coller une sacrée tartine de kilomètres en quelques mois. Alors bien sûr, tous les copains y sont allés de leurs conseils. De l’hyper-sport à la Harley en passant par la prépa néo-rétro et le vieux trail, on m’a tout suggéré. Ben oui, le motard étant pas essence passionné ET de mauvaise foi, avec les meilleures intentions du monde il va te conseiller d’acheter… la même moto que lui. Forcément, c’est celle qu’il a choisi, donc c’est celle qu’il préfère. D’ailleurs, je vous conseille le 650 SV S si vous voulez faire du rallye… Il faut donc faire l’éponge, écouter tout ce qu’on te dit et surtout, surtout, s’écouter soi. Je ne suis plus vraiment un bleu-bite et le coup du « c’est lourd mais une fois qu’elle est lancée c’est un vélo », on ne me le fait plus. Je connais mes (très) nombreuses limites en matière de pilotage et je voulais donc une moto F-A-C-I-L-E. Mon top 5 ? 650 SV, Er-6, 600 Fazer, 600 Hornet et vieux 600 CBR. Toutes correspondaient d’une manière ou d’une autre à ce que j’attendais, sachant que bien sur, aucune ne serait parfaite. Et c’est là qu’on lance la bille sur la machine à roulette du Bon Coin en se disant « inchallah ».

Une ER-6 à 1 500 balles ? Ca n’existe pas ! Incroyable la côte de cette bécane ! Éliminée. Une Hornet ? Difficile d’en trouver une dans ces prix là qui n’ait pas vu de très près le bitume. Les vieilles CBR sont victimes de leur fiabilité : ultra-bornées. Motos de rouleurs. Les Fazer et les SV se retrouvent très vite au coude à coude avec très clairement un avantage pour les Yam’. Il s’en est tellement vendues qu’elles pullulent sur Le Bon Coin. Mais quand même, une SV, je préférerai. Plus légère, moins puissante, j’ai gardé un excellent souvenir de ce moteur dans sa version aspetisée quand j’avais le DL. Oui sauf que cette moto n’aime pas les wheelings qui lui font presque systématiquement couler une bielle. Tu en verrais le nombre à vendre moteur HS ! Donc là ça devient un jeu de « patience » et de visites quasi toutes les heures sur Le Bon Coin pour être prêt à bondir sur l’affaire. J’exclu d’office toutes annonces du genre : « motto trai bon etat, peau Leo Vince qui daichire ça rasse, pa sérieu passé votre chemain ». Par contre, je prends la peine de me pencher sur celles aux photos peu aguicheuses. On n’est pas tous photographes professionnels et il faut savoir regarder plus loin que les pixels pourris et un éclairage catastrophique.

Photo qui ne vend pas du rêve...
Photo Le Bon Coin qui ne vend pas du rêve…
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La même moto mais sous un autre angle, t’achète ?

Et en parlant de photo désavantageuse, c’est là que je tombe sur l’annonce de ce 650 SV S de 2002 (les derniers à carbus, pile ce que je cherche). L’unique photo est hideuse, le prix trop élevé (2000e), la description sommaire et l’annonce est là depuis plus de 2 mois. Rien pour elle donc. Oui mais. Le pot est d’origine, la bavette de plaque est encore là et le carénage à l’air propre. Il y a donc des chances que les 29 000 km soient authentiques. En outre, ce modèle « S » – plus routier – aura moins attiré le kéké amateur de wheeling qu’un N. Et son gris hideux argumente en ce sens. C’est à 1h de chez moi, je tente un coup de fil. Au téléphone, je découvre que la propriétaire est une dame qui a « trop peur » sur cette moto. C’est une seconde main d’un cinquantenaire qui s’était remis à la bécane avec. Là, il faudra la croire sur parole. La moto n’a pour ainsi dire quasiment pas roulée depuis 5 ans. Nous convenons donc d’un rendez-vous le lendemain matin, le prix est alors descendu à 1 700e au nom de l’habituelle « marge de négociation » du coin-coin.

En arrivant chez elle, je découvre une SV piquée de rouille (une Suz’ qui ne roule pas quoi). Pneus aussi neufs que secs, à changer donc, et une chaine orange. Mis à part ces consommables, le carénage est comme neuf, aucune chute, aucune rayure pas de « brûlures » du soleil. Rare. La dame me dit « je n’y connais rien ». Bon. Je pars l’essayer craignant qu’elle ratatouille à donf et là c’est la surprise : elle tourne comme une horloge japonaise et a un comportement parfaitement sain malgré ses pneus en bois. Bonne limonade. Nous discutons. Le prix tombe rapidos à 1 500e, la dernière « marge coin-coin » de la propio. Puis je lui fais la liste des pièces à changer « et ça c’est s’il n’y a pas d’autre mauvaise surprise bien sûr ». Nous sommes à 1 200 e. Là je tente un coup de poker : « C’est correct comme prix, mais encore un peu cher, je vais continuer ma tournée et je vous rappelle si je ne trouve pas mieux ». Alors que j’entre dans ma Golf 3 de 1995 (oui je ne roule qu’avec des vieux tromblons à 2 comme à 4 roues), elle me lâche : « Et à 1 000 vous ne voulez pas me la prendre ? ». Oh putaingue. Surtout, rester calme. J’appelle le paternel qui me dit « fous-là dans la malle et rentre vite avant qu’elle change d’avis ! ». J’appelle Erick, mon docteur es Suz’ : « Si tu ne la prends pas, moi je descends de Paris la chercher ». Je me tourne vers la dame : « On fait les papiers ? ».

Et voilà que je venais de dénicher en une dizaine de jours à peine ma « perle rare ». A 1 000 balles, je ne prends guère de risques, j’ai presque suffisamment de marge pour refaire le moteur si besoin. Mais j’ai envie de croire à un côté « destin » tellement c’est improbable : elle m’attendait cette moto, j’en suis sûr. Check-up, changement des pneus, vidange, filtres et kit chaîne seront à effectuer rapidos ces prochains jours avant d’aller tester pour de bon et en sécurité ce nouveau joujou dans les petites routes ardéchoises.

J’ai désormais une poignée de mois pour apprivoiser et apprendre à exploiter pleinement ma petite « BARR » (pour Bête A Rallye Rouillée). Vu mon budget ultra-limité, c’est quasiment stock que je l’engagerai sur les épreuves cette saison. Par conséquent, c’est moi qui vais devoir m’adapter à elle. Et il me faudra la connaître par cœur quand les hostilités vont commencer…

La moto sera toujours meilleure que son pilote de toute manière !

17 Commentaires

  1. Bien vu!A mon entrée dans le monde moto j’ai vite réalisé que chacun voulait que j’achète sa moto,car elle était parfaite,ce qui me réjouissait quand un pote changeait de moto car sa perle était : trop lourde,trop gourmande,trop molle etc…
    Sur,c’est un bon choix en fiabilité.En dix ans d’usage ma bandit n’a pas eu une panne,sur 50000 km.Le seul reproche qui a été adressé aux sv,à ma connaissance,c’est la possibilité de noyade de la bougie avant,par forte pluie.Il etait conseille de monter une petite bavette…à voir?

  2. Ça sent quand même très bon cette histoire! Même si pour coller à la kéké touch d’une golf III, un Z750 aurait plus été dans l’esprit :p
    Plus sérieusement, et malgré les réparations qui s’annoncent, c’est plutôt du beau carrosse pour une BARR comme tu dis.
    Et si la couleur t’agresse vraiment trop le yeux, il me reste un stock d’autocollants de des années 90 que je te cède volontiers…

    • J’ai encore espoir d’avoir quelques stickers de sponsors à mettre pour de vrai dessus. Mais si tout compte fait je dois tout faire avec ma b**** et mon porte-monnaie, on peut carrément se taper un délire déco vintage ! :-p

      (Sinon, en effet, plus je l’observe de près en bricolant dessus, plus je me dis qu’elle est quand même en top état en fait cette machine… sous la crasse).

    • Non pas vraiment encore, une cinquantaine de bornes histoire d’écouter un peu le moteur. Je change les pneus demain aprem normalement (là ils sont dangereux) et on va lui faire une grosse révision maison ce weekend histoire de partir sur de bonnes bases.

      Et la semaine prochaine ben il va falloir que je la prenne un peu en main car samedi et dimanche je roule avec… au Castellet pour la Portnawk Race ! Si ça c’est pas de la prise en main exprès ! :-p

    • Ce weekend tu risques de la croiser soit sur le col de l’Escrinet, soit sur la côte de Mayres. Tout dépend si la mène se faire ausculter (vidange, filtres, liquides, plaquettes) chez un pote ou chez mes parents. 🙂

  3. Pour 1000 balles, c’est bien!
    Pour le rallye… la base :
    Feus longue portée
    Protections de partout
    Leviers repliables

    Pi c’est tout!

    Lolo cochet l’a fait, et finalement, ca passe avec une brele a 1500 balles 😀

    • Et si une bonne occaze en pièces détachées le permet j’aimerais (dans quelques mois, une fois que je me serai un peu renfloué des frais de fiabilisation), virer la bulle pour y monter un poste de pilotage de N.
      Ce sera plus pratique pour caser tout le bordel de navigation et le guidon large ça me « parle » plus en terme de conduite. Mais bon. Là c’est quand j’entrerai vraiment dans le stade « prépa rallye ». Pour l’instant j’en suis à celui « avoir une moto suffisamment fiable pour aller bosser ». 🙂

  4. Je trouve ca ultra moche mais ca doit être sympa comme bécane a rouler!
    (Oui je sais ici on est plutôt plaisir de conduire que look tendance et c est tant mieux!)

  5. Super prix pour un SVS assez propre. Perso c’est la fourche que je n’aimais pas sur cette meule, les freinages d’urgence voyaient la roue arrière délester trop facilement, faut bien l’asseoir avant de passer en mode trappeur sur le frein avant. La 2002 a une fourche réglable normalement, je ne sais pas si ça apporte un vrai plus. Des ressorts plus durs sinon, ça existe.
    Un engin léger, moteur bien vivant sur les carbus avec une allonge très correcte pour un twin, j’aimais bien. Bon, elle a failli me tuer en perdant son huile sur mon gommard et mon frein arrière un jour de padbolitude mais je ne lui en veut pas, je la regrette même parfois: https://plus.google.com/109644631190816312760/posts/6caHUKsovaR

  6. A ben voila, bonne affaire sur celle la, mais tu es grillé sur le bon coin, maintenant !
    Enfin… pour ceux et ceuses qui viennent te lire par ici, mais c’est déjà ENORME !

  7. Ah si, un truc bête sur cette moto:
    Si tu chutes, même faiblement, à droite, il y a un fort risque que l’axe du sélecteur pète un petit bout de fonderie et le carter principale est mort… gros caca.

    Bien mettre un protège truc pour qu’en cas de chute, le sélecteur ne prenne pas de coup rentrant. Papa doit pouvoir bricoler ça.

    Voila, c’était pas drôle comme message…
    Amuse toi bien !:

  8. Cet article me fais sourire, je viens de passer le permis après m’être fait chourer mon 125 et je souris à l’évocation du fait d’être piéton et des recherches longues et répétées sur le bon coin … D’autant que maintenant quand tu cherches un brêlon et que tu viens d’avoir ton permis, la perle rare c’est la meule bridée A2 ou bridable à un prix qui n’est pas la moitié de ton budget.
    Donc je cherche et je continue de chercher mais au moins je le fais avec une grosse tranche de sourire en me rendant compte qu’on est tous les mêmes dans ces moments là , merci pour votre article !

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