J’espère que ça gaz autant pour vous que le QR de mon enfance qui n’avait d’égal olfactif que la MZ de mon papounet… Ah ces effluves de mélange 2-temps un peu (beaucoup) trop riche. C’est madeleine-de-Proustesque chez moi. A tel point que quand je croise un vieux scoot qui fume (le deux-roue hein, pas le roux en culotte courte et bandana roulé autour du coup à 40 ans passé, je précise !), et bien je serais capable de le suivre pendant quelques bornes juste histoire de me faire un shoot et réactiver cette nostalgie des temps insouciant de mon enfance.

Bon avec tout ça je m’égare avant même de commencer… C’est pas pour ça je prends le clavier. Mais pour vous raconter comment j’ai découvert la rando TT. C’était à l’été 1990, j’avais 7 ans. A cette époque j’avais déjà choppé le virus du cylindre-à-trous-qui-sent-tellement-bon depuis un bon moment. Environ un an plus tôt sur l’anneau de Montlhéry et une arsouille digne du Joe Bar Team (surtout pour la chute), mais ça c’est une autre histoire que je vous narrerai une autre fois, si vous êtes sages.

Bref, c’est l’été. Je suis en vacances dans le Morvan chez mon arrière-grand-mère avec papa, maman et petit frère qui ne fait rien que baver, dormir, manger et remplir ses couches. J’en profite donc pour creuser un sillon dans le champ derrière la maison en tournant en rond jusqu’à la prochaine panne sèche. Autant vous dire qu’on m’a vite appris à faire le plein d’essence et d’huile. Une chance que le QR soit équipé d’une pompe à huile : pas besoin de faire les calculs de richesse du mélange !

Le paternel qui avait lui aussi apporté son cylindre-à-trous-qui-sent-tellement-bon qui cubait le quintuple du mien (eh oui celle de papa est plus grosse que la mienne) finit par se dire que ça me ferait du bien de voir du pays au guidon de MA moto. Après quelques recos du secteur, et surtout après avoir convaincu ma Môman, il met sur pied une véritable expédition à la Paul Emile Victor. Au programme, du chemin forestier, de la boue, du pierrier et le clou du spectacle : un bivouac sauvage avec montage de tente et knackies brûlées pas cuites au feu de camp.

C’est ainsi qu’un jour, après avoir gobé mes Pepitos favoris au goûter, nous préparâmes nos machines. Je sanglais mon duvet sur le garde-boue arrière de mon QR et papa se coltinait tout le reste. Vous avez remarqué la longueur de la selle d’origine de la MZ 250 ETZ ? Il ya de quoi en mettre du bordel ! Il y a pas dire, ils savaient faire des motos utilitaires (des vraies) en ex-RDA quand-même.

Et nous voilà partis au crépuscule (donc à 17h00, heure de Paris) pour un périple de… 2,5 km ! Et bien mine de rien, ça m’a paru être le bout du monde ! Le trajet comportait quand-même une descente dans un pierrier (merci les engins forestiers), le passage d’un petit pont de bois sans barrières, plus un gué et un bourbier et d’une dernière montée dans un pierrier (décidément ils sont partout ces engins forestiers !) pour enfin arriver au bord d’un étang où nous installâmes notre bivouac.

Mais attendez avant de vous raconter qu’on a jamais réussi à cuire nos knackies au feu de bois comme dans la pub, que j’avais peur du moindre petit bruit imaginant soit une attaque de sanglier ou de qu’un Gaulois allait arriver il faut que je vous parle de ce bourbier. En même le Gaulois c’est marrant aussi.

Bon par qui je commence ? Toi au fond de la classe ? Oui toi avec affalé sur la radiateur ? C’est quoi ton nom déjà ? Ah oui, Cigalou, bon tu veux quoi le bourbier ou le Gaulois ?

Ok donc on commence par le Gaulois.

Pour ceux qui n’ont pas suivi, le raid se déroule donc dans le Morvan. Dans un coin de forêt où en juin 1944 un groupe de résistants mené par un certain « Camille » soutenait des parachutistes alliés qui avaient pour but de gêner la retraite des troupes allemandes qui se repliaient après le débarquement en Normandie. Et dans le hameau où vivait mon arrière-grand-mère, il y a une stèle commémorative en l’honneur de ce groupe de résistants. Sauf qu’après-guerre, on n’a rien trouvé de mieux pour symboliser l’unité française que de choisir l’image des Gaulois (qui étaient tout sauf un seul et même peuple, aujourd’hui encore ça fait débat…). Bref sur cette fameuse stèle, je vous le donne en mille, il y a un Gaulois de représenté avec le catogan et la moustache à la José Bové. On se croirait dans Astérix et Obélix. Et moi gamin, j’avais entendu parler du maquis Camille, qui était quelque part dans la forêt là-bas, on ne sait pas trop où. Du coup j’étais persuadé qu’il y avait un Gaulois qui rôdait dans la forêt, alors une fois dans la pénombre je ne faisais pas le fier.

Oui Cigalou ? Et le bourbier ? J’y viens mon petit, j’y viens.

Donc ce bourbier, il faisait, mouarf, au bas mot… 3 mètres. Mais il m’en paraissait faire 300. Bon mon père pas trop bête passe en premier pour sonder la flaque et me conseille de passer sur le côté et surtout PAS dans l’eau. Bon sauf que moi, j’étais là pour en baver, j’avais signé, je savais ce qui m’attendait. Et puis merde, on faisait le Paris-Dakar ou pas ? J’allais sûrement pas passer sur le côté, ben non ! Bon clairement, il me fallait encore pas mal d’entraînement avant d’espérer voir le lac Rose un de ces jours, parce qu’en plein milieu de la flaque, je me suis embourbé, j’ai câlé et j’ai pleuré. Après avoir séché mes larmes et décrotté mes bottes, Papa a sorti le QR de la boue, mis ma brêle sur la centrale, kické pour la démarrer et ouvert en grand pour nettoyer les tétines. Sauf que moi, intelligent comme pas deux, je scrutais la scène pile-poil dans l’axe de la Honda, juste derrière… Je me rappelle encore la boue qui est venue se loger sous la visière de mon casque imprimant un mouvement de bascule vers l’arrière, avant de me rendre compte de l’utilité du masque. Sans lui j’en aurais pris plein la tronche et seulement plein les dents et les trous de nez.

Que dire de plus ? On a monté la tente, on était (presque) seuls au monde, on a (presque) bien mangé, on a regardé le coucher de soleil, on a (presque) bien dormi, et on a remballé au petit matin pour rentrer à la maison. Sur le chemin du retour, j’ai bien négocier les pièges. Les pierriers : fastoche. Le bourbier : sur le côté. Le gué : ça nettoie la meule. Et le petit pont : 3 mètres de large, ça va ça passe large. Bref 2,5 km mud in ze nose. Qu’est-ce que vous voulez, c’est ça l’expérience, les baroudeurs, les vrais !

En arrivant à la maison, quand Môman m’a proposé des Pépitos, je lui ai répondu que je voulais un truc d’homme : un Cacolac. Et je lui ai raconté nos 2 spéciales : le pont de singe passé tel un funambule, le gué avec de l’eau jusqu’au cou, le bourbier survolé en cabrant le 50 cm3 sur la roue arrière et le sanglier qu’on avait partagé avec un Gaulois dans la forêt.

Bref sans conteste la plus belle aventure de toute ma vie ! Merci Papounet !

Ferdi nous écrit de ses montagnes suisses où ce petit gars du Morvan est allé s'installer pour suivre sa chère et tendre (non ce n'est pas le petit nom qu'il donne à sa déclaration fiscale, mauvaise langue). Il roule tous les jours en 1200 Super Ténéré dans des paysages de rêves sur des routes de folies. Mais sinon on est presque pas jaloux de lui...
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6 Commentaires

    • Sur le coup, j’était quand même un peu vexé, mais avec 25 ans de recul, on peut commencer à en rigoler.

      En tout cas je suis content de voir que ça a touché et fait rire autant de personnes.

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