Le Luxembourg. Je l’avais traversé en vitesse lors de mon tour du Benelux il y a quelques années et je m’étais dit qu’il fallait que j’y retourne. Mon instinct motard se trompe rarement. Alors quand l’occasion m’a été donnée de le visiter dans les règles de l’art, j’ai sauté dessus.
Eh bien vous savez quoi ? J’ai eu raison. Le motard qui fait l’impasse sur le Luxembourg, c’est rien d’autre qu’un marchand de gaufres qui fait l’impasse sur la farine…

Histoire de planter le décor et de permettre à ceux qui ronflaient pendant les cours de géographie de maître Cigalou de savoir de quoi on parle, commençons par une petite présentation du pays. Petite, car à l’échelle de ce qui est le seul Grand Duché souverain encore existant au monde. Un peu plus de 2500 km2, un peu moins de 600 000 habitants, entouré de la France, de la Belgique et de l’Allemagne, le pays a su tirer son épingle du jeu en étant le coeur historique de l’union européenne et, accessoirement, le pays où le P.I.B par habitant est le plus élevé. Au monde, là aussi. Vous comprendrez plus tard pourquoi ces détails ont leur importance.
A ceux qui ont aussi ronflé pendant cette petite présentation du pays, l’heure est venue de se réveiller. Enfin, c’est un conseil. Parce que la suite risque de vous plaire.

Voici le programme !

Arrivés et magnifiquement reçus par Lis, l’organisatrice, le soir du lundi 7 mai au Casino 2000 de Mondorf-les-bains, juste après la frontière. Une petite dizaine de journalistes moto principalement allemands, Thierry le photographe qui nous venait de Belgique et deux français (un seul si je ne compte que moi, et un seul aussi si je ne compte que l’autre). Lis et le guide, Michael, étaient eux bien Luxembourgeois. Le temps de faire connaissance, briefing, apéro, restau, dodo. Le top départ était donné pour le lendemain 9 heures.

C’est sous un ciel d’azur et un généreux soleil que nous nous sommes tous retrouvés devant l’hôtel, le lendemain matin. L’humeur de chacun était bonne, l’ambiance tout autant. Je dois dire que, pour quelqu’un comme moi qui a facilement tendance à s’isoler, la rapide apparition de rapports franchement amicaux entre nous tous m’a bien aidé à me décoincer le slip. Il y avait aussi la petite appréhension naturelle quant au déroulement des choses, à la façon de conduire de chacun, et caetera. En effet, j’ai souvent roulé en groupe, y compris sur de longues distances. Et c’est d’expérience que je savais que dans le tas, y en a toujours un ou deux pour parasiter la fluidité de l’allure. J’allais vite être rassuré : la sélection naturelle existe aussi bel et bien chez le motard. Un exercice inédit restait pourtant à expérimenter : coller une voiture au train, à une trentaine de centimètres du pare-choc arrière, pour que le photographe assis dans le coffre puisse te prendre en photo. Encore chapeau à lui, frustré qu’il était, à la fin du séjour, d’avoir dû tout faire en voiture alors qu’il est lui-même motard…

Voilà, ça c’est du taf de vrai photographe ! Merci !

Les moteurs avaient à peine eu le temps de chauffer qu’il était déjà temps de nous arrêter. Schengen, la ville des fameux accords, là où trois frontières se rejoignent. On y trouve un immense musée consacré à l’U.E, des pans de mur de Berlin et divers petits monuments sur la thématique européenne. Une toute petite ville sans prétention, entourée de routes à faire frémir de joie. Parce que là, tout autour, ce sont les vignes qui nous attendaient. Des vignes en coteaux, et qui dit coteaux dit côtes, virages, points de vue plongeant sur la Moselle, paysages à se damner… De petits airs de Drôme ou d’Ardèche aux portes de l’Europe du nord.

Tu te fous des accords de Schengen comme de l’an 40 ? Vas-y quand même !

On a tracé vers la « petite Suisse » et les gorges du Müllerthal sous un soleil insolent et une chaleur qui petit à petit donnait à notre trip de douces saveurs estivales. Sous nos casques, on souriait tous. Même les allemands, c’est dire ! L’environnement se faisait de plus en plus boisé mais toujours aussi vallonné. Les lignes droites sont rares, le tracé des routes semble avoir été dessiné pour la moto. Les larges courbes très roulantes et très rapides se succèdent, le revêtement est parfait, la sécurité omniprésente. A signaler que ce petit pays que beaucoup ne connaissent que de nom profite de sa prospérité pour entretenir ses routes et doubler les rails de sécurité à ses abords. Les guillotines à motards sont quasiment inexistantes. A tel point que certains se sont senti tellement en sécurité qu’ils ont fini entre quatre planches. Plusieurs motards se sont en effet tués ces dernières semaines, confondant infrastructures idéales et circuit…

Le Müllerthal

Pause déjeuner à Echternach, plus vieille ville du pays. L’occasion pour moi de rassurer ceux qui déchiffrent les noms plus qu’ils ne les lisent… Oui, ces noms font peur. Oui, t’arrives pas à les lire parce que t’as pris espagnol en première langue et anglais en seconde, et tu te demandes si tu dois engager un traducteur pour t’accompagner si tu décides d’y aller. Ben non. Le Luxembourgeois parle français. Plus facilement dans le sud du pays que dans le nord plutôt germanophone, mais tu arriveras toujours à trouver quelqu’un qui te comprend. Si tu parles anglais, de toute façon, c’est comme partout… Et si tu parles luxembourgeois, ben… C’est que t’es luxembourgeois.

Echternach

Le ventre plein (et bien plein parce que, c’est à noter, le Luxembourgeois aime la bonne cuisine, le bon vin et la bonne bière), on a poursuivi notre traversée de l’est du pays jusqu’au château de Beaufort, dressé là, entouré de forêts…

Beaufort (Crédit Lis Lorang)

Sur le trajet du retour à l’hôtel, on a tous pu se réjouir du fait que la qualité des routes restait égale. Les pièges ? Je les cherche encore. Pour ceux qui connaissent, le cadre ressemble à la fois aux Vosges, avec laquelle j’ai noté beaucoup de similitudes, et aux Ardennes. Près de 10 heures de balade, ce jour là. Et pour nous récompenser, la visite d’un domaine viticole à quelques kilomètres de Mondorf où nous avons pu déguster de délicieux vins blancs et crémants, spécialités de la région. Puis re-restau où nous avons re-bien mangé (parce que, je le rappelle, le Luxembourgeois aime la bonne cuisine, le bon vin et la bonne bière) dans une ambiance de franche camaraderie.

Le lendemain matin, rebelote pour une seconde grosse journée de roulage. Dès 9 heures, bouton Start. Je parle de la météo ou c’est déplacé ? Bref…

La journée a débuté par la plus grande et agréable surprise du séjour. Grande, parce qu’elle avait la taille d’un haut fourneau. 80 mètres de haut, à la louche. Belval, tout le monde descend. Ancienne ville industrielle spécialisée, comme toute cette région, dans l’exploitation et la transformation du minerai de fer, on s’est soudain retrouvés face à un monument industriel, un témoin du passé ancré au beau milieu d’une ville aux allures futuristes. Face à un haut fourneau entièrement nettoyé et vernis (j’arrive même pas à croire ce que j’écris), on était tous scotchés. Le lieu se visite, et je le conseille. Tout autour, un pôle de recherche scientifique, une université, des bureaux, des commerces, des immeubles d’habitation, des quartiers résidentiels construits ou à venir. Une vraie surprise, un site à voir absolument.

Esch Belval

Cette fois, on partait pour le nord du pays par sa façade ouest. Traversée des Ardennes luxembourgeoises, qui n’ont pas à rougir face aux Belges ou Françaises. Loin de là. Les routes, toujours aussi belles, mais aux tracés plus nerveux et agressifs que la veille. Deux groupes s’étaient formés, point de vue style de conduite. Les lévriers devant, les « anciens » derrière. Les lévriers : BMW 1200 GS, BMW 1100R café racer, Goldwing 1600, Kawasaki Z900 scrambler et… Bleuchette. Notre guide Michael et sa GS (accessoirement président de Eurobiker au solide palmarès sportif moto) savait, c’est le moins qu’on puisse dire, mettre la poignée dans le coin. Pour l’arsouille, on était servis. Beaucoup de cols, des enchaînements invraisemblables d’épingles parfois très serrées qui mènent sur de larges plateaux entourés de forêts et de prairies. Parcours beaucoup plus technique où, je dois le confesser, je me suis fait quelques petites frayeurs. En effet, si Bleuchette se sortait sans rechigner les tripes pour suivre le rythme, j’avais oublié que son freinage était moins performant que celui de ses camarades de jeu. L’absence d’ABS nous a parfois handicapé, donc. Mais on a su tenir notre place sans finir dans le décor.

 

Le midi, re-re-restau à Esch-sur-Sûre après la traversée de la « vallée des sept châteaux » au Restaurant comte Godefroy et son spa hallucinant sur trois niveaux souterrains. Inutile de préciser qu’on a formidablement bien mangé, puisque, comme chacun sait, le Luxembourgeois aime la bonne cuisine, le bon vin et la bonne bière. (Ainsi que la bonne eau, plate ou pétillante, puisque lors de nos haltes repas, l’alcool était proscrit. Heureusement, nous nous rattrapions largement le soir venu). Pour la digestion, une halte au lac tout près de là. C’est le manque de temps plus que celui de maillots de bain qui nous a empêchés de piquer une tête…

Lac de la Sûre

L’heure tournant, on s’est remis en selle pour une nouvelle séance d’arsouille jusque Clervaux, dans le nord du pays, avec une pause pour admirer le magnifique château de Vianden. Bon, moi j’aime bien les châteaux, donc j’étais content. Mais si toi t’aimes pas ça ou que tu préfères enfiler les bornes comme des perles, tu peux aussi. Et pour ce qui est d’enfiler les bornes, une chose est à retenir… Habitué à la sur-fréquentation des routes alpines, j’ai pu apprécier la fluidité du trafic, pour ne pas dire sa quasi-inexistence sur les routes secondaires. En effet, en dehors de quelques riverains croisés par-ci par-là et un ou deux tracteurs, nous avions les routes pour nous. Ni plus, ni moins. C’est aussi pourquoi on a pu se permettre quelques libertés avec la vitesse, conscients de nos limites et des conditions propices. A partir du moment où on respecte les limitations et le simple bon sens dans les villages traversés, les kilomètres de routes de campagne aux alentours sont là pour combler de bonheur.

On a eu la chance, avant de rejoindre l’hôtel, de pouvoir visiter l’expo photo permanente au château de Clervaux, « Family of man », que je conseille vivement. Puis re-re-re-restau où on a re-re-re bien mangé (parce que, je le rappelle une dernière fois, le Luxembourgeois aime la bonne cuisine, le bon vin et la bonne bière) dans une ambiance carrément festive. Puis il était temps de gagner ma chambre pour y reprendre des forces avant le trajet du retour, beaucoup moins marrant sur l’autoroute et sous la flotte. En un mot comme en cent, j’étais sans dessus dessous, quoi, après des journées si agréablement remplies.

C’est le moment où jamais, maintenant que le retour est évoqué, de préciser que le réseau autoroutier Luxembourgeois est gratuit, bien distribué et bien entretenu. Aucun problème de signalisation, les panneaux autoroute sont en bleu, les panneaux des routes secondaires en jaune, c’est la seule différence. Pour ce qui est du carburant, j’ai noté que le SP98 est en moyenne 25 à 30 centimes par litre moins cher qu’en France (aux alentours de 1.29 euros le litre maxi). De quoi faire le plein et rouler sans trop se poser de questions… Le pays se traverse du nord au sud en une bonne heure et demie, pour vous donner une idée de l’étendue. Mais je pense que c’est un des plus beaux terrains de jeu pour un motard. C’est riche. Historiquement, gastronomiquement, culturellement. Riche et, je pèse mes mots, dépaysant. Les gens ? Accueillants, souriants, cools, amoureux à juste titre de leur pays…

Perso, j’y retournerai. Parce que c’est pas assez petit pour tout voir en deux jours, et parce que c’est pas assez grand pour ne jamais tout voir. Avouez que ce serait dommage…


Remerciements :

Organisation : Lis Lorang
Crédit photo perso : Thierry Dricot
Guide : Michel Turk

Pour tout renseignement supplémentaire : www.visitluxembourg.com
Hôtel restaurant Mondorf-les-bains : www.casino2000.lu
Musée Union Européenne : www.schengen-tourist.lu
Brasserie Aal Eechternoach :  www.aaleechternoach.lu
Domaine Sunnen Hoffmann :  www.caves-sunnen.lu
Restaurant Le Bistrot Gourmand :  www.bistrotgourmand.lu
Musée Haut fourneau : www.fonds-belval.lu
Restaurant-spa Comte Godefroy : www.hotel-de-la-sure.lu
Exposition permanente du château de Clervaux : www.steichencollections.lu
Hôtel restaurant Clervaux : www.golfcountry-hotel.com

Régis vit en Haute-Savoie. Unique héritier d'une longue lignée de non-motards, fasciné depuis sa plus tendre enfance par tout ce qui a un moteur entre deux roues pour des raisons toujours obscures. Curieux de nature, autodidacte dans bien des domaines, condamné à mort par contumace dans plusieurs pays d'Amérique latine, il a fini par découvrir que son amour de la moto était non seulement aussi fort que celui qu'il a pour l'écriture, mais qu'en plus l'un nourrit l'autre.
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6 Commentaires

  1. Merci, ça donne envie.
    Moi, je les aime bien les accords de Schengen, car passer d’un pays à l’autre sans avoir à montrer ton passeport à un type généralement suspicieux avec une sale gueule, ahem, pardon, avec un attitude soupçonneuse, ben j’aime pô.
    J’ai toujours eu des difficultés de sociabilisation en règle générale, et avec les uniformes en particulier. Et je ne parle même pas de ceux qui t’engagent à participer gentiment à leur politique salariale personnelle.
    C’est pour cela que j’hésite pour les Stans, je ne le sens pas trop…
    Merci
    Philippe

  2. Superbe article , sur un petit pays que j’ai deja visité par 3 fois avec ma fidele vfr 😉 comme toi j’ai adoré!!! A tel point que quand des gens me disent : » on se ferait bien un petit week end a Dauville » je leur dit oubliez Dauville et partez au luxembourg;)

    Ps : j’ai passé une nuit a esch sur sure dans le fameux hotel restau spa! Et cetait effectivement hallucinant et tellement agreable

    On demenage quand?;)

    Sebastien

  3. Merci à toi pour le Compte Rendu de ce petit Road Trip et , connaissant le coin pour y être allé plusieurs fois , JE VALIDE , totalement et recommande à toutes celles et ceux qui ne connaissent pas , vous ne serez pas déçus … ✌✌

  4. Merci pour le style, l’enthousiasme communicatif et les infos partagées. Rentrant récemment d’un petit tour des Ardennes (belges et françaises), je suis attiré par ces régions peu connues et propices à la découverte et aux joies motardières. Et j’aimerais aussi pousser un peu plus au nord, vers le parc naturel Hautes-Fagnes-Eifel que se partagent Allemagne et Belgique.

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