Lorsqu’on était rentrés de notre tour du Benelux, avec Camille on savait pertinemment qu’on n’en resterait pas là. On ne s’était rien dit, mais d’instinct on savait que d’une, on recommencerait et que de deux, on irait chercher la merde encore un peu plus loin. Un an plus tard, donc, on remettait ça avec une variante: on arrêtait de faire des cercles, cette fois. Les plans retour au point de départ, c’était terminé. Alors comme elle vivait toujours en Alsace et moi en Haute-Savoie, on a décidé de voyager entre chez elle et chez moi. 450 kilomètres c’est peu, vous me direz. Sauf si on fait un détour.

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Etape 1/6

C’est donc en plongeant au fin fond des Alpes, jusqu’en Slovénie, qu’on joindrait le pays de la choucroute à celui de la tartiflette. Mais avant ça, au menu, l’Allemagne et l’Autriche, puis ensuite l’Italie et la Suisse. Le tout sur une semaine et sans rien changer à nos bonnes habitudes, à savoir dans un registre d’improvisation, d’autonomie, de bonne humeur et de cool-attitude à la Steve McQueen.

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Nous quittions donc Strasbourg le lundi vers midi. Temps orageux, réservoirs pleins, avec le Rhin en ligne de mire. C’est en bateau que nous nous proposions d’en rejoindre la rive Allemande. Une première pour tous les deux. En regardant la rive opposée, cette rive Allemande boisée et sauvage, j’ai cru comprendre ce qu’a dû ressentir Jules César quand il a traversé ce même Rhin droit vers chez les barbares, 2000 ans plus tôt. Ce que j’appelais du regard ce n’était pas juste notre voisin, ni notre premier partenaire économique, ni notre concubin historique dans le couple-moteur de l’Europe, non ! Trois fois non ! Ce que je regardais droit dans les yeux, c’était l’inconnu, l’aventure, l’imprévu. Ce que nous défions c’était le frisson, la liberté et les bières pas chères.

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Commençait alors véritablement notre voyage. On a donc chargé nos mémères sur le bac, à la proue comme deux figures extatiques, attendu que voitures, vélos et tracteurs en fassent autant et, après quelques minutes, on débarquait en Allemagne. Comme on était partis assez tard, on a surtout roulé, cet après-midi là. On a rejoint le sud du pays, la forêt noire, pour y dénicher notre premier bivouac après quelques tâtonnements sylvestres.

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Une fois choisi, l’emplacement s’est révélé parfait. Parfois, ça arrive qu’une fois posé, la tente montée, le feu allumé, tu commences d’un coup à te poser des questions sur la façon dont tu vas te sortir du trou dans lequel t’es allé te fourrer le lendemain matin. Là, c’était pas du tout le cas. Terrain plat, sortie facile, conscience tranquille. Surtout que les pneus route classiques de Camille ne permettaient pas franchement de fantaisie, question terrain. Enfin ça c’est ce qu’on pensait, naïfs que nous étions, et encore bien inconscients des prouesses dont nous étions capables.

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C’est ainsi que, comme deux cow-boys d’opérette, on a passé notre première soirée au coin du feu, à manger des fayots entre deux airs d’harmonica et de banjo accompagnés par le cri des coyotes qui rôdaient aux alentours. Parfaitement, des coyotes au cœur de la forêt noire. De toute façon à part la nuit, leur forêt n’a rien de noir. Alors si on veut y coller des coyotes on le fait. On n’est plus à un mensonge près. Et n’oubliez pas qu’on est partis à la Steve McQueen, alors fallait au moins ça. Et en plus, on a drôlement d’imagination, Camille et moi. Des coyotes on en voit où on veut. Si on avait voulu, on aurait même vu des serpents à sonnette. Mais on a préféré dormir tranquilles.

Cette première (demie) journée reste très particulière, dans mes souvenirs. Il ne s’est rien passé d’épique, on n’a pas eu de pépin ni croisé de personnage haut en couleurs (hormis peut-être quelques paysans locaux qui devaient surtout carburer au petit blanc local dès 7 heures du matin vue la jolie teinte violacée tirant sur le parme de leurs joues), mais c’était comme si un rêve devenait réalité. Enfin. Parce que ce projet Slovène, nous en parlions depuis des mois. Mais sans pour autant lui donner une dimension réelle et concrète. Aucune réservation, quasiment aucun renseignement mis à part la monnaie utilisée et le prix de l’essence, pas d’itinéraire vraiment défini… Rien, quoi, qui nous aide à comprendre que oui, on y allait. Oui, on était en route. Oui, dans quelques jours, on serait en Slovénie, ce pays dont on ne connaissait rien. Et pourtant c’était le cas. Quelques jours plus tôt encore, j’étais au boulot. Et là, sans que je comprenne vraiment ce qu’il s’était passé, j’étais assis dans l’herbe devant un feu de camp, avec mon amoureuse, nos motos, ma tente, et j’étais en route pour l’objet de nos fantasmes motards. Pour de vrai. Juste parce qu’on l’a décidé. Tu veux y aller ? Ben allez, tu prends ta moto, ta tente et t’y vas. Tu te fous de tout, tu prépares rien. T’y vas, c’est tout. C’est encore comme ça que c’est meilleur.

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Régis vit en Haute-Savoie. Unique héritier d'une longue lignée de non-motards, fasciné depuis sa plus tendre enfance par tout ce qui a un moteur entre deux roues pour des raisons toujours obscures. Curieux de nature, autodidacte dans bien des domaines, condamné à mort par contumace dans plusieurs pays d'Amérique latine, il a fini par découvrir que son amour de la moto était non seulement aussi fort que celui qu'il a pour l'écriture, mais qu'en plus l'un nourrit l'autre.
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1 COMMENTAIRE

  1. Hello

    J’ai rencontré en février cette année, lors d’un voyage en Amérique Centrale​ (êtes vous aussi condamné à mort là-bas ?) un couple de Slovènes qui nous ont vanté avec forces photos à l’appui les merveilleux paysages de leur pays (Triglavski Narodni Park). Mon anglais n’est pas très bon, mais la fille étant très jolie je me suis beaucoup intéressé à leur région Je me suis moi aussi promis d’y aller faire un tour, y’a plus qu’à comme on dit. J’ignore si vos chemins iront jusque là-bas, je vous souhaite de toutes façons un très bon trip et vous remercie de partager votre aventure.

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