Me revoilà depuis quelques mois sur un 600 XL. Un vieux « gromono ». Ah autant te dire que comparé au V-Strom, le bilan est sans appel : ce dernier avait plus d’allonge, plus de souplesse, plus de confort, plus de watt. Bref, plus de tout quoi. Un bicylindre, on ne va pas se mentir, c’est royal. Il n’y a pas plus polyvalent. Oui, sauf que le mono à ce petit rien en plus, un petit détail hein : lui seul me procure des milliers de papillons de joie dans le ventre rien qu’à l’entendre tourner. Quand il veut bien démarrer… Donc, on va se la jouer alcoolique anonyme, je vais vous balancer en touffe, que dis-je en motte, tout ce qui fait que quoi qu’il arrive, quoi que je fasse, c’est toujours sur un foutu mono que je reviens poser mon cul. 

Déjà, comme le mec légèrement enveloppé avec des tresses, chuis tombé dedans quand j’étais tout petit. De mes 4 ans et demi à mon GSXF-1000, je n’ai roulé QUE sur du mono. C’est le lot des petits moteurs pour enfants certes mais aussi la conséquence d’une éducation « off-road » par le paternel. Grandes roues cramponnées, grand guidon et unique piston, c’est ainsi que furent toutes les motos m’entourant durant mes vertes années. Du coup, contrairement à pas mal d’autres, ce n’est pas sur l’Er-6 ou la XJ-6 du permis que j’ai concrètement parlant « appris » à conduire. Et à chaque fois que je fais craquer l’allumage d’un gros monocylindre, c’est comme si Proust s’enfilait goulûment un paquet de madeleines.

Ensuite, ben c’est que sur bitume je ne suis jamais plus à l’aise qu’avec… une moto typée off-road. C’est con hein, mais je prends beaucoup plus d’angle avec mon 600 XL encore chaussé de tétines qu’avec mon DL-1000. Des histoires de cerveau complètement débiles qui font que sur mon gromono « léger » je me sens en total contrôle. Ce qui est faux en plus vu mon frein à tambour pourrave. Et je crois que, définitivement, le secret d’une conduite « dynamique », c’est d’être détendu du slip sur ta machine. Crispé tu ne fais rien de bon : gros coups de gaz, gros coups de frein et virages à l’arrêt. Conduite classique de blaireau. Quel bonheur d’enchaîner les épingles tout sur le couple avec ton gros veau de mono qui cogne bas, une moitié de fesse sur la selle, le guidon pointant vers le ciel et le regard déjà dans le prochain virlo. Tu ne roules pas bien vite, tu ne relances pas bien fort, mais tu ne ralentis juste jamais. La régularité incarnée. Et un peu à la façon du lièvre et de la tortue, sans avoir eu à te mettre en danger, tu sors de cette petite gorge encaissée devant le 4-pattes qui t’avait doublé dans un grand « wabroooo » en y entrant. Oups.

Comme tu le sais, je suis une bille totale en mécanique, mais je comprends globalement comment fonctionne un gros mono. J’arrive à le conceptualiser. Ce qui est beaucoup moins évident pour d’autres usines à gaz. Et mine de rien c’est super important de comprendre et écouter son moteur. Savoir quand couper, quand tomber ou monter une vitesse, en fonction de ce qu’il te dit. Les bicylindres, eux, quoi que tu leurs infliges, ils ont l’air toujours coolos en mode « comme tu veux man, comme tu veux ». Les quatre-pattes je les imagine en train de me répéter avec une voix suave « fouette moi, fouette moi » à chaque accélération. Le mono lui, je ne sais pas. Il se passe un truc. Il y a un vrai dialogue qui s’installe. C’est assez dur à exprimer comme idée en fait.

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Enfin, le monocylindre correspond à ma philosophie intrinsèque de la moto car il est historiquement monté sur des trails dits aujourd’hui « légers » (ou des supermot’, mais ça je n’ai jamais essayé). Les 600 XL, XT, DR and co sont à mes yeux ce qu’il y a eu de plus abouti en trail, encore de nos jours. Ce sont des motos aux aptitudes off road plus qu’honorables mais qui sont aussi de magnifiques baroudeuses, capables de faire un ou deux tour du monde sans rechigner. Oh pas à grande vitesse c’est sûr. Mais tu peux tenir une moyenne très correcte au guidon de ce genre bécane, il ne faut pas croire.

Alors maintenant que j’ai replongé dans ce type de moto, voyez-vous, j’ai une espèce d’angoisse latente qui m’étreint. Comme toute victime d’addiction, j’ai une terrible peur de manquer. Une peur de manquer de… bécanes ! Parce qu’une fois rincé les vieux tromblons antédiluviens que j’ai dans mon garage (et ça ira vite, je me connais) comment vais-je faire ?

Où sont passé les gros monocylindres dans les catalogues des constructeurs ces dernières décennies ? A part Katoche/Husky, qui ose encore faire du bon gros mono ? Même Yam’ veulent nous retirer le 660 XTZ l’année prochaine. Il faut dire qu’avec le combo mode du roadster rageur enchaîné à celle désormais des SUV méga-cylindrées, le pom-pom-pom pépouze ne parait pas prêt de résonner à nouveau dans une concession.

Mais les mentalités changent. On veut plus de légèreté, on veut plus de sensations, on veut plus de fun et on veut garder notre permis. Alors, messieurs les constructeurs, ressortez-nous donc de bons gromono de 40 chevaux simples et efficaces qui claquent sous les fesses.

Quentin, alias Cigalou, c'est une barbe un peu trop crade, un goût surement trop prononcé pour le rose, une gueule souvent trop grande et une passion immense pour tout ce qui touche à la bécane. Sur Vie de Motard, avec sa bande de potes, il réalise son rêve : secouer la planète moto en faisant le zouave ! Parfois trop. Ou pas.
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15 Commentaires

  1. Le problème de ces monos de caractère c’est le passage à l’anti-pollution.

    Lors du passage à la dernière norme, le FMX était déjà un bon exemple de mono 600 devenu une grosse et fade 125 lourde…

    Rob’

    • En effet, je pense que les constructeurs – s’ils s’y remettent – ne doivent pas « adapter » les vieux moulins aux normes euro 4, ça ne rendra rien. Tout est à réinventer.

      Mais pour le coup, KTM a très bien réussi le passage à l’ère du gros mono moderne avec leur 690. Donc les autres devraient bien y arriver s’ils le… veulent.

  2. J’ai tout compris ce que t’as dit.
    Pour avoir commencé ma pseudo-carrière avec deux DR, je reconnais que parfois, confortablement installé sur mon vieux 4 pattes que j’adore pourtant, j’ai des moments de nostalgie en croisant un de ces vieux monos.
    Il y a trois ans, j’ai même failli racheter le djebel d’un pote en sus du XJ. Mais des impératifs pas marrants m’ont rappelé à l’ordre. C’est pourquoi, certainement, j’ai monté des pneus enduro sur ma routière. Parce que certains aspects du gromono me manquent. Du coup j’essaye de me rapprocher le plus possible du compromis parfait en attendant le jour où…
    Et t’inquiète pas, même si pour trouver des équivalents contemporains c’est la croix et la bannière, y aura de vieux tromblons tournants à acheter pour quelques années encore! Ils sont faits pour durer, et conçus pour que leur vie soit prolongée encore et encore.

    (Et je confirme: oui, on peut prendre de l’angle avec des pneus à tétine ! 🙂 )

  3. Bah ? Qu’est-ce que tu leur reproches au « SUV méga-cylindrées » ?

    Mais je confirme, dès que j’ai le budget et la place, je me trouve un bon vieux mono des familles pour faire le couillon sur les petites routes et dans les chemins.

    Le mono, il n’y a que ça de vrai !!!

  4. AH le mono…
    ça vibre, faut tout le temps changer de rapport, on manque d’allonge mais c’est fin, maniable, et de caractère .. OK c’est vrai .
    Comme moi aussi j’ai des bornes; je dois dire que j’apprécie toutes les motos, enfin presque .
    pas les custom, pas les GT, pas les behemes , pas les super mot ( trop vieux ? )
    Un touine ça vibre aussi, c’est coupleux grave , surtout en V ou mieux en L ( SV, TLR, ducat ) , ça demande de bien choisir son régime , gaffe au rétrogradage
    un 4 ça allonge même un peu trop, faut du cubage pour le couple ( 1000 mini) mais quel outiil
    Un triple c’est le top sur route en mid size : léger ,allonge , patate, cadre et freins de oufs sur ma B8

    Mais ouais si je pouvais me payer un 690 .. quel engin … pour le raid …
    un TT 600 bien dépoque … etc ..

  5. C’est clair, je suis mono, pas bi….

    Philippe

    Ps, en fait mono pour rigoler dans la boue (et c’est clair, avec moi, on rigole bien vu d’en haut ou de 3/4 arrière), et pour les voyages, multi.

    Re-Philippe

  6. Plus jeune, je n’aimais pas les gromonomous, ne jurais que par le 2T survitaminé, je m’enivrais aux résidus de synthèse et le démarrage d’une tronçonneuse dans le lointain me filait une demie-molle.
    Mais ça c’était avant. Désormais je fais cohabiter mon SUV teutonique avec un DR en mode roots, kick-only. Ma concession à la modernité ? Les disques avant et arrière (95). J’ai revendu ma sportive, je rigolais moins dessus que sur mon DR. La GS serait en sursis aussi si je ne prenais en compte que le plaisir que me donne la brêle sur laquelle je pose mes fesses. J’adore les twins mais le plaisir distillé par ma trapanelle, le dialogue que tu as su si bien décrire me ramènent toujours vers elle.

  7. Il faut croire que la passion est contagieuse…
    J’étais déjà très curieux de tester ce genre de tromblon, mais tu m’as resservi une louche avec tes histoire de coup de fouet aux fesses.
    Après m’être séparé de mon premier amour (une pas trop vieille à 4 pattes aux yeux bridés et un couple de tracteur), je me tâtais à passer à une vieille increvable, qui aime le champêtre et que rien n’effraie plus que trop de bitume lisse et droit. Genre un superbe DR bleu et blanc…
    Les 15 à 20 000 bornes annuelles et l’appel du 3 cylindres japonais ont finalement eut raison de mes aspirations « roots ».
    Mais comme tu dis, le problème avec ce genre de choses, c’est qu’on ne s’en débarrasse pas facilement. Et voilà que mÔssieur se pointe avec une éloge du plaisir simple et sans assistance électronique… Merci

    De toutes façons, il reste un peu de place dans le garage alors. Et puis ça m’éviter de ruiner les pneus du Tracer sur les pistes en terre « carrossables ».

  8. La vénération pour le Grosmono me vient sans aucun doute de l’endoctrinement subi en pleine crise acnéique au cours des 70’. Ceci via la prose subversive de Guido Bettiol dans Moto Journal. Bien sûr qu’y a prescription, mais les séquelles sont indélébiles. Depuis 45 ans, elles jalonnent un modeste parcours de motard, à commencer par une première bécane : 125 Motobécane 1957 (la culbutée, pas celle à soupapes latérales, c’était pour les vrais pauvres…). Ce choix relevait autant de l’impécuniosité que du dogme pur. Par la suite, je confesse avoir parfois cédé aux prêches des polycylindres, jusqu’à me commettre avec une mammouthesque 1100 ST. Qu’est-ce que j’ai pu me faire chier là-dessus. Sur un gros trail, tu fais pas dans tes braies à la vue d’une bouse de vache ou d’une poignée de gravillons. T’as aussi l’impression de renouer avec les temps épiques, ceux de quand la terre était encore plate et que l’unicité de ton cylindre valait profession de foi.
    Trêve de prosélytisme envers des convaincus. En fait, j’ai découvert ce site hier et me suis avalé une vingtaine d’articles cul-sec et leurs commentaires. Fichtrement bien torchés, soit dit au passage. Y’a de la patte. Et du bon esprit, contrairement à ce que l’on rencontre sur maints forums. Trop souvent tenus par un admin-roitelet entouré d’une dizaines de potes-courtisans. Et au premier pet, t’es viré. Alors, tu te réincarnes en troll, histoire de pourrir pour de bon. Je sais, c’est mesquin, mais c’est ça qu’est bon.
    Ici, il m’a semblé retrouver un ton, et comment dire, l’esprit décalé du Moto Journal de ses débuts. Mais il y a trente ans au moins que je n’ai pas acheté un canard moto. Aussi, quand on me demande mon avis sur la dernière prépa de chez ShavaSchier qui, pour 5000 €, ajoute 20 CV à une brêle… Heu, que dire, sinon que l’unique cylindre de mon 650 SLR est une réponse en soi ?

    • Merci, quand un commentaire est aussi bien écrit c’est déjà un immense compliment pour nous. Je crois qu’au fond, on aime presque autant gratter la plume qu’essorer la poignée !

      « Vie de Motard » tu viens de le définir : c’est un esprit jugé décalé mais qui en fait était la norme il y a 30 ans (époque que nous n’avons pas eu l’honneur de connaître). Ce site est né d’une bande de jeunes qui voulaient prouver aux journalistes bedonnant des magazines que l’esprit motard n’était pas mort contrairement à ce qu’ils l’écrivent à tout va, que la nouvelle génération vivait leur passion comme leurs aînés.
      Bon, moralité, on s’est fait dézinguer par la presse, notamment Moto Journal… Quelle ironie…

      Mais ce n’est pas grave, on continue notre petit bonhomme de chemin avec nos vieux tromblons et on s’amuse à fond ! Et puis je ne suis pas un demi-roitelet mais un « Président-Dictateur-Général », c’est ce qui change tout en fait…

      (PS : J’a-d-o-r-e le SLR !!!)

  9. Il est surpris de s’être fait dézinguer par les vieux de la vieille ! Lui (enfin, toi) prof d’histoire. Faute professionnelle ! Tu sais fort bien, pour l’enseigner, que les jeunes guérilleros pistoleros «libertadores del pueblo », une fois installés aux commandes, ben, c’est à vie et pour le bien commun, cela va de soi. Alors, les petits jeunes qui veulent les déloger, eux, les vieux matous accrochés au canapé, ouste ! Faut comprendre, aussi : ils en ont bavé des ronds de Cromwell pour faire leur trou. Et ce, de haute lutte. Ils ont, en leur temps, créé une institution. Ça part souvent (enfin, parfois) d’un bon principe, une institution. Mais l’institution est un organisme vivant. Dès sa naissance, elle adopte donc les réflexes biologiques primaires : manger pour se maintenir en vie et se perpétuer. D’où, inévitables conflits pour la gamelle quand de jeunes schismatiques détournent une partie de leur lectorat… payant.
    Mais, si les « fidèles lecteurs »  se barrent, la faute à qui, sinon à eux-mêmes qui ont renié leurs principes fondateurs ? Un journal, ça coûte des sous : au fil du temps, il leur a fallu composer avec les « réalités économiques », s’acoquiner avec des « partenaires », brouter sans trop de vergogne à quelques râteliers bien garnis. Bref, se compromettre.
    Alors, au bûcher, les Ordres mendiants, prédicateurs déguenillés qui, montés sur des haridelles hors d’âge, pérorent sur le web. Parce que c’est pas leurs ouailles qui vont acheter des indulgences pour bâtir Saint Pierre de Rome.
    Ps : désolé pour ces multiples références à ton taf, mais c’était trop tentant.

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