« Quoi ? Tu regardes le Paris-Dakar ? » Tout le monde s’arrête de parler et te fixe d’un air scandalisé. Mais qu’est-ce que tu fous dans cette soirée de bobos parisiens ? Leur avouer ta passion pour le Dakar c’est à peu près comme si tu allais raconter à un couvent de bonnes sœurs que tous les soirs tu casses la dalle devant un Marc Dorcel bien crado. Alors là c’est le déchaînement de la pensée conformiste doublée de l’idéal bisounouresque, t’es foutu. T’es plus qu’un salaud de néo-colonialiste, pollueur et voyeur. Bref, t’aurais dû la fermer.

N’empêche qu’à toi je peux le dire, ces « 500 connards sur la ligne de départ » (merci Renaud), ben ils me font rêver. Regarde-les sur leurs monstrueuses machines, bardés de protections et de sponsors multicolores, affrontant dunes et immensités, ça c’est des aventuriers bien timbrés. Et puis sans ce rallye, ce n’est pas un XTZ que j’aurais sous les fesses, les trails n’existeraient sûrement pas ! D’ailleurs, ne le cache pas, quand tu as investi ton plan épargne retraite dans une GS ou une KTM Adventure, je suis sûr qu’une petite voix te susurrait : « Comme ça si jamais tu dois franchir une dune… ». 

Et puis au-delà du « trail spirit », cette course, c’est un mythe, un pan entier de l’histoire de la moto. Ce n’est pas pour rien si ça s’appelle encore le Dakar alors que tout se passe en Amérique du Sud. Chaque mois de janvier, depuis 26 ans, mes parents radotent sur ces moments forts de leurs vingt ans. Quand le rallye partait encore de Paris, traversait la France et allait embarquer à Sète. Ils me l’ont tellement raconté que j’ai l’impression de les voir à plat ventre sur leur 500 XT, avalant 200 bornes sous la pluie (en janvier, même au pays des Cigales la météo est joueuse), remontant des kilomètres de bouchons d’autres passionnés juste pour aller les voir passer. Massés au bord des routes, ils pouvaient alors encourager ces audacieux baroudeurs au pneu de rechange sanglé sur le garde-boue arrière. Suivaient les voitures et les camions gigantesques aux roues de la taille d’un homme. Les moteurs résonnaient jusqu’à Marseille et faisaient vibrer à l’unisson une foule émerveillée. Une grande messe mécanique. Mais ce n’était que le début de l’aventure, tous se précipitaient les jours suivants devant leur poste de télévision pour suivre les péripéties de leurs pilotes préférés. « Du rêve pour ceux qui restent » disait alors le visionnaire Thierry Sabine. Voilà le Paris-Dakar tel que j’en ai toujours entendu parler, tel que je l’ai toujours imaginé. Mais j’étais né trop tard, dans un monde trop bio…

En effet, le jour où j’étais enfin prêt à aller le voir, le Dakar m’a fait faux bond. Le rêve de gosse s’était carapaté de l’autre côté de la planète. Et mon pauvre 125 DR ne sachant pas nager, il ne me restait plus que les magazines. Alors attention, tu sais bien que je ne suis pas du genre nostalgique, surtout d’une période que je n’ai pas vécue. Aujourd’hui, ça reste toujours un sacré événement et un spectacle dont je ne me lasse pas. En plus, ce n’est pas forcément plus mal d’en être revenu à des machines moins surdimensionnées. De même – c’est lié –  je trouve le relief outre-Atlantique presque plus intéressant sur le plan du pilotage. Après, je n’y suis pas allé, donc ça reste du commentaire de comptoir. Tout ça pour te dire que je ne verse pas des chaudrons de larmes sur le fait que le Dakar ne se termine plus à Dakar. Après tout, qui est-on pour traverser des pays si on dérange ? Surtout que, l’Amérique du Sud le prouve depuis quelques années, il y a du sable et des paysages à couper le souffle dans d’autres endroits de la planète.

Non, moi ce qui m’embête vraiment par contre, c’est que le Dakar ne passe plus du tout en France. C’est qu’on ne puisse plus se réunir sur son parcours, nous, les péquenauds qui ne pourront jamais aller traverser des déserts à toc. Sans bloquer le Trocadéro et descendre la mythique nationale 20, ce serait sympa d’avoir droit à une spéciale ou un petit prologue quelque part dans un coin boueux de France (un peu comme ils font pour le Tour cycliste). Imaginez la scène, imaginez l’hivernale de folie autour de cette épreuve. Tiens, je parie même qu’en cette période de crise ce serait l’occasion de combler le déficit d’un département avec toutes les retombées économiques que ça ferait! Ce ne serait pas merveilleux de pouvoir tailler une bavette avec les pilotes, entendre les moteurs hurler, toucher des yeux leurs machines ? Et une fois le camp levé, enfourcher nos meules toutes bêtes et rentrer dans nos pénates des étoiles pleins les mirettes pour ensuite en parler pendant des années. On l’aurait un peu vécu le Paris-Dakar.

Parce que bon, tout voir derrière l’écran le filet de bave aux lèvres, c’est très bien, mais ça rejoint un peu le problème d’un Marc Dorcel : l’éclairage et les tenues ont beau être sympas, ça ne vaut pas la réalité…

 

2 Commentaires

  1. Heureusement que tu viens de le partager de nouveau sur Facebook, cela m’a permis d’aller lire.
    Et franchement j’étais passé à côté d’un sacré bel article.
    Jamais trop le temps de le suivre ce « (presque) Dakar » (pour te citer) mais c’est clair que pour tous motard c’est un rêve de gosse. Je n’avais jamais pensé à le faire repartir de Paris comme mon père l’a connu…

    Et si jamais tu prends ta DL pour manifester pour le retour du Paris-Dakar à Paris je prendrai ma vieille XT pour venir gueuler à tes côtés.

    V

  2. Alain Brochery a réussi à me faire venir à Paris en créant son X roadster, les pilotes sont disponibles les courses d’enfer et l’ambiance du tonnerre; bon d’accord le circuit Carole c’est pas aussi loin que la pampa argentine, 150 mètres de piste et une butte, même en fermant les yeux, dur dur de te croire plus au sud. Mais quelque part j’ai retrouvé l’atmosphère des années 80/90.
    P.s : je ne suis pas tout-terreux, je dirais même que j’ai horreur de salir mes pneus, néanmoins, je tire mon casque à tous ceux qui ont eu les « coronès » de se lancer dans l’aventure. Du simple quidam qui lâchait femme, enfant boulot, aux pilotes d’usine.
    Nous vivons une passion, naturellement il y a eu et il y aura toujours des pisse-froids, et des bobos simili écolos pour tenter de nous culpabiliser. En attendant, la dernière loi qui nous collera définitivement à pied, je continue à croire que nous sommes moins dangereux pour la nature et l’humanité en général que pas mal de crétin(e)s soi-disant attaché(e)s à la protection de l’environnement!

    Et je viendrai aussi à la manif!

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