Botan, Valentin et moi-même nous formons un improbable trio d’Alsaciens amateurs de vieux trails décatis. Un soir, on s’est lancés un pari assez fou : participer à la sixième édition de la Sunday Retro Ride organisée par le jeune Adrien de La Bielle et Le Motard. Bon, il y a juste 700 km qui séparent nos deux contrés. Mais une invitation à un apéro/barbecue ça ne se refuse pas. On est polis en Alsace. 

Comme à notre habitude, les préparatifs se sont faits à la dernière minute. Pour tout vous dire, le vendredi à la veille du départ les carénages de ma KLR se trouvaient encore chez le carrossier, la XTE de Botan perdait quelques pièces et la Tengai de Valentin avait des soucis de démarrage. Jusque-là rien d’anormal pour nos trois mamies. C’est donc confiants et motivés que nous attaquons les choses sérieuses : Le chargement des machines. Oui parce que vu leur fiabilité, on préfère leur éviter les grandes virées autoroutières à nos monos croulants. Nous nous retrouvons donc entre deux averses en train de monter nos bolides sur la remorque, un vrai Tétris ! Ça frotte, cogne et tape. 

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Le temps de boire un café et de passer chercher les petits pains (auprès d’une charmante boulangère qui m’a presque fait oublier pourquoi j’étais venu d’ailleurs ), et nous voilà en route. Notre escapade peut débuter ! 600km pour rejoindre notre première étape : Lille.

Les kilomètres s’égrènent lentement : café pour Nathan, lecture de vieux magazines pour Val et petits tours réguliers sur le parking pour ma part à la recherche de… jolies filles. Désolé, je suis un peu en boucle parfois. Bref d’aires d’autoroutes en stations essences, nous voilà arrivés à l’hôtel. C’est enfin l’heure de descendre les motos.

On commence par faire l’état des lieux : quelques rayures sur les carénages de l’XT, rien à déclarer pour le Tengaï, un clignotant de cassé et un demi litre d’huile de fourche étalé un peu partout pour ce qui est de mon vieux KLR. C’est moi qui gagne ! Le poum poum poum de nos gros monos s’ébrouant attire tous les gamins du quartier.

On parade un peu dans l’hypercentre de Lille, Botan ne pouvant pas s’empêcher de faire bruyamment claquer son piston : « Je roule sur le couple » qu’il nous dit. De rues en ruelles nous voilà… perdus. Il est temps de mettre le GPS et de rejoindre les copains d’Un Pneu Dans La Tombe au rendez-vous fixé auprès du très célèbre magasin Legend Motors Lille. Un peu en avance, on se faufile dans les zones piétonnes, debouts sur nos motos pour se frayer un chemin dans une énorme braderie. On discerne de loin déjà quelques perles garées devant la boutique notamment une magnifique Sterling. Respect du magasin oblige, nous nous sommes garés dans une rue adjacente pour éviter les taches d’huile sur le trottoir. On est polis en Alsace je vous dis. 

 

C’est entre R100GS, Norton et Ducati SS que nous nous faufilons. Nous restons bouches-bées devant tant d’histoires en un si petit lieu. Botan, en bon hipster qu’il est, trouve chaussure à son pied, enfin je dirais plutôt veste à sa taille.  Le coup de foudre est là mais pas le temps de rêver à son blouson, que voilà nos hôtes qui arrivent. Il faut enfourcher les motos et suivre les nordistes dans la fameuse « antre aux motards » à la frontière belge. Roulant dans leur SUV citadin, nous peinons à les tenir au guidon de nos vieux destriers. Nos monos atteignent des températures peu raisonnables, mais après quelques bornes, on se retrouve enfin assis sur un canapé, au milieu des réservoirs, roues et un stock d’autres pièces en plus ou moins bon état. Nous nous sommes arrêtés au relais moto « La Cloûte ». Un vrai paradis pour les yeux. Mais c’est surtout le ventre qui crie famine. C’est donc à coup de « saucisses qui piquent » ou encore de « crocs maison » que l’on se rempli la panse. Et après avoir à peine refait le monde, il est déjà temps de reprendre la route pour rejoindre l’hôtel.

Mais voilà, on se retrouve dans un brouillard épais et nos motos peinent à démarrer tant l’humidité est forte. C’est un retour à bas régime pour éviter les obstacles sur les routes. Un vrai temps de ch’tis ! Impossible de garder les visières fermées, nos lunettes sont trempées et nous partageons la chaussée avec des habitués qui roulent comme des tarés. 30 km et une heure après, nous arrivons à l’hôtel, notre Graal. Une courte nuit nous attend, réveil réglé pour 7h, il est déjà 2h ! Arf, on est jeune, on est fou !

Énième chargement des motos avant de reprendre la route. On devient limite des pro d’ailleurs, avec un sanglage en temps record. Un petit peu d’autoroute pour rejoindre les copains à la fameuse Sunday retro ride #6 sur Desvres, et nous voilà arrivés. Adrien, l’organisateur de l’événement, nous accueille en nous tendant d’une main un café, et de l’autre un petit pain. Le luxe. Puis vient le moment de la balade. Les moteurs commencent à chauffer de tous les côtés dans un joyeux bazar : 2 temps qui hurlent, odeur d’huile, coups de kick. Dix minutes plus tard, le top départ et dans un nuage d’échappement tous disparaissent laissant apparaître… Botan. Au sol. Son XT s’est jeté par terre. Surement une tentative de suicide face à toutes ces belles machines. Heureusement pour l’image de l’Alsace, peu seront témoins de la scène. Une paire de vis resserrées plus tard, on prend la route. Mais d’ailleurs, quelle route ? Pas moyen de les retrouver, ils sont déjà trop loin. On se lance à leur recherche, nez en l’air. Et forcément, au premier stop, je cale à la remise des gaz et tombe lamentablement. Le sélecteur tordu de mon KLR est allé se coincer contre le carter. Décidément, l’air du Grand Nord ne nous réussit pas… Avec un peu d’huile de coude on finit par le redresser au beau milieu du carrefour. On reprend la route, sans but, on visite un peu les villages aux alentours à la recherche d’indices indiquant leur passage. Malheureusement rien. 

Après plusieurs essais d’appel (pas de réseau), après avoir tourné dans tout le canton, nous finissons par trouver le point de rendez-vous.  Le thermos de café est vide bien sûr et la suite de la ballade est déjà presque  lancée. Les copains d’« Un pneu dans la tombe » (qui étaient encore plus à la bourre que nous) nous rejoigne : nous sommes donc au complet. Nous pouvons cette fois nous lancer tous ensembles à l’assaut des routes sinueuses du ch’nord.

Source : La Rouille Au Ventre

Notre convoi d’une trentaine de motos file à toute allure à travers villages et champs, ça roule fort dans le nord ! Encore une fois, c’est trop pour nos tromblons. Mais malgré notre tout jeune permis on s’en tire plutôt bien et finissons cette balade juste derrière la Sterling (et sans nouvelle chute, un exploit !)

À notre retour dans les locaux de Racer Factory, les discussions fusent autour d’un barbecue. La panse bien pleine, nous flânons entre les bijoux garés devant le bouclard. L’heure tourne, on profite de chaque seconde à fond car, à notre plus grand regret, le temps des au-revoirs arrive. C’est vraiment la partie que je déteste, surtout après un si beau week-end. Mais notre planning très serré nous l’impose, nous prenons la route. Il est 15 heures et on croyait nos aventures terminées. Tu parles… 

 

Nous rejoignons l’autoroute assez rapidement, les premières heures se passent sans encombre. Mais des bruits bizarres commencent à se faire entendre à l’arrière. Rapide tour de contrôle et reserrage des écrous des roues de la remorque. Un demi-tour par écrou quand même : voilà sans doute d’où vient le bruit ! On reprend la route sereinement mais rapidement les bruits étranges réapparaissent.

En mécano averti, je monte le son de la radio, histoire de ne plus entendre. Stratégie de l’autruche. Mais malgré la musique à fond les ballons la remorque vibre de plus en plus. On s’arrête sur le bord de la route. Et là, gros flip : Deux sangles sur six ont disparues. On retend le tout avec ce qui nous reste de matériel et on s’active car la nuit est vraiment proche. Le bruit s’accentue même. Bon, on est plus qu’à une heure de route. Sauf qu’à 40km/h sur la bande d’arrêt d’urgence avec arrêt tous les kilomètres pour regarder la remorque, ça commence à devenir dangereux cette affaire. On décide avec Botan de décharger nos bécanes directement sur l’autoroute. Il est 2h du mat’, les camions nous frôlent et il fait un temps pourri. Autant te dire que ça tient réveillé ! En un temps record on enfourche nos motos et nous suivons la bagnole jusqu’à la prochaine sortie une dizaine de kilomètres plus loin. Arrêt sur un parking. Réunion de crise. Il faut prendre une décision et vite car dans 3h je dois me lever pour aller bosser. 

Ne sachant pas d’où vient le problème, nous descendons la troisième moto. Rageur, je donne un coup de pied à la remorque et là tout s’éclaire : je vois la roue bouger sur son axe. A notre grande surprise, on réalise qu’il n’y a plus de… roulement. La roue était juste posée sur l’axe. On se lance dans un casse tête digne de la chèvre, du loup et du choux-fleur qui doivent traverser une rivière avec une seule barque. Dans un mic-mac de va-et-vient au guidon de nos brêles on réussit à rapatrier tout notre bordel jusque chez Valentin. Effondrés sur son canap’, on fait un petit check-up à moitié endormis :

« La caisse c’est bon, les sacs c’est ok, la Tengaï elle est là, la XT et la KLR aussi. Bon ben c’est bon, au dodo. Attendez. Oh merde : la remorque ! On a oublié la remorque les gars !« 

Je regarde Botan, il regarde Valentin, Valentin me regarde, je le regarde. Et on éclate de rire.

Il est 4h du matin. On court à la bagnole. L’aventure continue ! 

2 Commentaires

  1. C’est en lisant l’article que je me rends compte à quel point je regrette d’avoir travaillé ce jour là et de ne pas avoir pu être des vôtres.

    En tout cas ce que je retiens c’est que quand vous partez il faut être prêt à parrer toutes éventualités. Sacré weekend en tout cas et quel plaisir de lire cet article (comme tous les autres d’ailleurs).

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